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Les chanteurs et le chef mènent le bal

Milano
Teatro alla Scala
05/04/2022 -  et 7*, 10, 12, 14, 17, 22 mai 2022
Giuseppe Verdi : Un ballo in maschera
Francesco Meli (Riccardo), Luca Salsi*/Ludovic Tézier (Renato), Sondra Radvanovsky (Amelia), Yulia Matochkina*/Okka von der Damerau (Ulrica), Federica Guida (Oscar), Liviu Holender (Silvano), Sorin Coliban (Samuel), Jongmin Park (Tom), Costantino Finucci (Un giudice), Paride Cataldo (Un servo d’Amelia)
Coro del Teatro alla Scala, Alberto Malazzi (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Nicola Luisotti*/Giampaolo Bisanti (direction musicale)
Marco Arturo Marelli (mise en scène, décors, costumes), Marco Filibeck (lumières)


(© Brescia e Amisano/Teatro alla Scala)


La nouvelle production du Bal masqué à la Scala se révèle un spectacle enthousiasmant, mené par un quatuor vocal de premier ordre et une direction musicale enflammée. Seule la mise en scène de Marco Arturo Marelli – qui signe aussi les décors et les costumes – déçoit par son aspect suranné et son caractère statique. Lorsqu’il était directeur de l’Opéra de Vienne, Dominique Meyer a fait plusieurs fois appel au metteur en scène suisse (La fanciulla del West, Turandot, Pelléas et Mélisande et Orest). Quoi de plus naturel par conséquent qu’à son arrivée à Milan, il le sollicite également. Avec Un ballo in maschera, Marco Arturo Marelli fait ses débuts à la Scala, mais malheureusement ce premier essai n’est pas véritablement concluant. Lorsque s’ouvre le rideau de scène, on voit apparaître un autre rideau, constitué cette fois d’une toile peinte aux tons bleutés. Et une fois levé ce second rideau, on aperçoit une longue perspective délimitée par de hauts panneaux mobiles, peints eux aussi, qui vont constamment se déplacer tout au long de la soirée. Pour le reste, la production est terriblement statique, avec la plupart du temps les chanteurs interprétant leurs airs sur le devant de la scène, les bras levés au‑dessus de leur tête. On se croirait 50 ans en arrière. Le seul élément un tant soit peu original et novateur est la présence pratiquement constante d’un homme vêtu d’une cape noire et symbolisant la mort. Durant la scène finale, celle du bal masqué justement, il joue du violon en suivant Riccardo, et l’effet est saisissant. En fin de compte cependant, c’est peu, très peu ; mais au moins cette mise en scène a le mérite de ne pas parasiter la représentation, permettant au public de se concentrer pleinement sur les voix et la musique.


Car quelles voix et quelle musique ! La Scala a su réunir un quatuor vocal inégalable, ou presque, aujourd’hui. Francesco Meli incarne un Riccardo au chant ardent et passionné, au lyrisme incandescent et aux aigus solaires ; le ténor fait montre de demi‑teintes étourdissantes, d’un phrasé hors pair et d’un superbe legato. De surcroît, dans la Canzone de la scène avec Ulrica (« Di’ tu se fedele »), les graves de ses deux sauts de pratiquement deux octaves sont justes et percutants, un exploit dont peu de chanteurs sont capables. Malgré un timbre quelque peu ingrat et des aigus parfois forcés, Sondra Radvanovsky offre un magnifique portrait d’une Amelia aux moyens vocaux impressionnants : voix ample et ductile, parfaitement projetée, avec une ligne impeccablement maîtrisée sur toute la tessiture. Animée d’un haut sens du devoir, son Amelia devient tourmentée et frémissante face à Riccardo et se fait particulièrement émouvante lorsqu’elle demande à son mari de pouvoir embrasser son fils une dernière fois (« Morra ma prima in grazia »). Luca Salsi est un Renato au phrasé exemplaire et particulièrement expressif, surtout dans ses indignations et ses colères ; tout au plus pourrait‑on lui reprocher une certaine uniformité et un manque de nuances, mais pas au point de le huer comme l’ont fait plusieurs spectateurs au rideau final. Federica Guida est un Oscar brillant et aérien, avec des vocalises très sûres. Un peu plus en retrait, Yulia Matochkina a tout d’une grande Ulrica, sauf que son timbre est bien trop clair et lumineux pour incarner idéalement la bohémienne. Et, comme très souvent à la Scala, les seconds rôles sont solides et le chœur superlatif, d’autant qu’il s’agit d’un ouvrage de Verdi. Dans la fosse, Nicola Luisotti a remplacé au pied levé Riccardo Chailly pendant les répétitions, le directeur musical de l'illustre théâtre étant tombé malade. Il a offert une lecture particulièrement vive et nerveuse de la partition de Verdi, une lecture parfois très enflammée dans les pages dramatiques de l’ouvrage, mais sans pour autant négliger les passages plus mélancoliques, comme l’Ouverture, attaquée à un tempo passablement alangui. Il est vrai que le Bal masqué est très certainement l’une des partitions les plus protéiformes du compositeur et qu’il n’est pas facile pour le chef de concilier des éléments parfois disparates. Nicola Luisotti a parfaitement réussi le pari. A noter que c’est un autre chef, Giampaolo Bisanti, qui assurera les deux dernières représentations.



Claudio Poloni

 

 

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