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Prêtre en vedette

Paris
Théâtre du Châtelet
02/11/2002 -  

Johannes Brahms : Symphonie n° 1, opus 68
Henri Rabaud : Mârouf (danses extraites de l’acte III)
Claude Debussy : Prélude à «L’Après-midi d’un faune»
Maurice Ravel : Boléro


Orchestre symphonique du Conservatoire (national de région de Paris), Georges Prêtre (direction)


Le Théâtre du Châtelet accueille un hommage à Georges Prêtre, placé à la tête d’un orchestre de jeunes musiciens. Initiative touchante que ce passage de relais dont les participants se souviendront sans nul doute jusqu’à la fin de leur carrière. Dommage toutefois que l’on se contente d’indiquer qu’il s’agit de « l’Orchestre symphonique du Conservatoire ». Mais quel « conservatoire » ? le Conservatoire national de région (CNR) de Paris, dirigé par Jacques Taddei, et non le Conservatoire (national supérieur de musique et de danse de Paris, CNSMDP, bref, le Conservatoire, dirigé par Alain Poirier). C’est bien dans cette dernière institution, sous l’autorité d’Henri Rabaud puis de Claude Delvincourt, que le jeune Prêtre a été formé. Il a donc effectivement connu dès 1939 la « rue de Madrid », où le Conservatoire était alors installé, avant qu’il ne rejoigne La Villette. Par cette ambiguïté savamment entretenue, la filiation semble assurée, le CNR, sis précisément rue de Madrid, bénéficiant de cette aura géographique. Mais la ficelle est d’autant plus grosse que la qualité instrumentale, au vu de cette seule prestation, reste en retrait par rapport à celle régulièrement atteinte par les étudiants du CNSMDP (voir par exemple ici le concert donné en décembre dernier sous la direction de Yan-Pascal Tortelier).


Pouvait-on attendre, en tout état de cause, une rigueur excessive dans une manifestation présentée par un Frédéric Lodéon des grands jours, parlant de «kitsch» à propos de la musique de Debussy, après avoir lu de façon expressément malveillante un court extrait de L’Après-midi d’un faune de Mallarmé, dont il affirme, non sans gourmandise, avoir du mal à comprendre le sens ? Pourquoi confondre ainsi vulgarisation et populisme ?


La première partie présente une fort peu idiomatique Première symphonie de Brahms. L’effectif des cordes est démesuré (soixante-dix-neuf musiciens) et, même si Prêtre ne le sollicite pas à pleine puissance, tant s’en faut (étrangement, le grave semble faire défaut dans la sonorité d’ensemble), couvre trop souvent des bois qui ne sont pas même doublés. Adoptant des tempi rapides, le chef parvient cependant à mouvoir cette masse sans trop de dommages. Comme de coutume, le texte est interprété avec une grande liberté, notamment dans les nuances dynamiques. La direction peut-être qualifiée de théâtrale, non seulement dans une gestuelle sui generis, alternant immobilité et gestes expressifs à destination des premiers violons, mais aussi dans une approche qui ne cherche pas midi à quatorze heures. Souffrant parfois d’un manque de respiration, aussi étonnant cela puisse-t-il paraître, et assez peu contrastée (sinon dans un finale bien enlevé), cette approche privilégie les moments lyriques, amplement soulignés, avant de laisser trouver souvent la place à des chutes de tension. Compte tenu de ces différentes options, les mouvements centraux semblent les mieux venus : l’andante sostenuto prend le caractère d’une romance légère et recueillie, tandis que l’un poco allegretto e grazioso est tendre, léger et même rebondissant.


Les regrets sont avivés par le fait que c’est la Symphonie Roma de Bizet qui avait été préalablement annoncée en lieu et place de la symphonie de Brahms. Car la seconde partie du concert rappelle, au risque de verser dans le cliché, que Prêtre entretient des affinités plus évidentes avec la musique française.


Hommage dans l’hommage, en quelque sorte, le bref extrait de Mârouf, savetier du Caire (1914), opéra comique d’Henri Rabaud, permet de (re)découvrir une musique finement écrite, d’un orientalisme qui évoque certes plus Rimski que Roussel, mais dont l’orchestration supporte la comparaison avec, précisément, Roussel ou d’Indy.


Moment phare de cette soirée, le Prélude à « L’après-midi d’un faune », comme en état de grâce, fait mentir Lodéon : délicatesse, finesse, raffinement, avec une conclusion d’une extraordinaire fragilité, comme sombrant petit à petit dans le sommeil. Prêtre ne cède à aucune tentation : pas d’alanguissement déplacé ni d’opulence capiteuse. Dans de tels instants, il est aisé de comprendre pourquoi Poulenc ou Callas ont pu trouver en lui leur chef de prédilection.


Le Boléro nous ramène, à tous égards, sur terre. Prêtre a certes l’immense mérite de maintenir la pulsation constante et de maîtriser la progression sur toute cette durée (15 minutes et 30 secondes) mais tout le monde n’adhérera pas à des phrasés aussi personnels : dans la première partie du thème, c’est certes une impression doucement ensoleillée et indolente qui prédomine ; comme il convient, la seconde partie, en ut mineur, forme un contraste, mais Prêtre y ose à deux reprises un invraisemblable rubato qui va bien au-delà des notes d’un compositeur pourtant réputé pour sa précision d’horloger. En outre, dans le périlleux énoncé confié au célesta, aux deux piccolos et au cor, le déséquilibre entre les pupitres donne la fâcheuse impression que les flûtistes jouent faux.



Simon Corley

 

 

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