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Inoubliable Catherine Hunold

Toulouse
Théâtre du Capitole
04/20/2022 -  et 22, 24*, 26 avril 2022
Leos Janácek : Jenůfa
Marie‑Adeline Henry (Jenůfa), Marius Brenciu (Laca Klemen), Mario Rojas (Steva Buryja), Catherine Hunold (Kostelnicka Buryjovka), Cécile Galois (Starenka Buryjovka), Jérôme Boutillier (Le contremaître, Le maire), Mireille Delunsch (La femme du maire), Victoire Bunel (Karolka), Svetlana Lifar (Une bergère), Sara Gouzy (Jano), Eléonore Pancrazi (Barena)
Chœur du Capitole, Gabriel Bourgoin (chef de chœur), Orchestre national du Capitole, Florian Krumpöck (direction musicale)
Nicolas Joel (mise en scène), Christian Carsten (reprise de la mise en scène), Ezio Frigerio (décors), Franca Squarciapino (costumes), Vinicio Cheli (lumières)


M.-A. Henry, C. Hunold (© Mirco Magliocca)


Créée en 2004 pour la première toulousaine de Jenůfa (1904) de Leos Janácek, cette production de Nicolas Joel est la première à retrouver le chemin des planches depuis le décès de l’ancien directeur de l’Opéra de Toulouse (1990-2009), survenu en 2020.


On comprend rapidement pourquoi, tant son travail prend peu à peu aux tripes par sa force d’évocation brute : le décor imposant d’Ezio Frigerio sait se renouveler finement pendant les trois actes, insistant tout d’abord sur l’immuabilité du temps qui passe, incarné par la régularité du cliquetis de la roue du moulin, avant qu’une immense pierre n’écrase symboliquement les protagonistes, en lien avec propres mots de Jenůfa et Laca au II. Mais on retient peut-être plus encore les lignes (la table de mariage ou la passerelle métallique) qui déchirent symboliquement le décor au III pour décrire les rares échappatoires offertes aux personnages, tel le chemin de pénitence de la Sacristine – image forte et inoubliable pour conclure le spectacle. L’autre grand atout de cette production est incontestablement la direction d’acteur soutenue de Nicolas Joel, qui oppose d’emblée deux camps, entre la légèreté des hommes et la gravité des femmes – donnant aussi une entrée saisissante à la Sacristine, toute de raideur étudiée dans sa démarche et éloignée (autant par son passé douloureux que sa volonté de protéger sa fille adoptive) des festivités et beuveries.


On ne saurait bien entendu oublier l’interprète d’exception qui illumine le spectacle de sa force d’incarnation, à chacune de ses apparitions : Catherine Hunold a trouvé ici un rôle à la mesure de ses qualités dramatiques superlatives, impressionnant autant par ses regards hallucinés que ses cris déchirants. On espère la retrouver très vite dans ce rôle qui semble avoir été écrit pour elle, donnant ce sentiment d’évidence qu’on a pu ressentir pour d’autres, telle Sylvie Brunet‑Grupposo, interprète idéale de Madame de Croissy dans Dialogues des Carmélites de Poulenc (notamment à Munich en 2010, à Nice en 2010, à Massy en 2012, Lyon en 2013 ou Bruxelles en 2017). Marie‑Adeline Henry n’est pas en reste pour faire vivre les douleurs intériorisées de Jenůfa avec ses graves cuivrés, superbement projetés et engagés. On aime aussi la truculence savoureuse de la grand‑mère de Cécile Galois, malgré quelques changements de registre un peu brusque. Mario Rojas campe un solide Steva, tandis que Marius Brenciu (Laca) manque quelque peu de puissance face aux femmes ou pour soutenir les tutti orchestraux. Tous les seconds rôles sont brillamment distribués, aux côtés d’un chœur impeccable de cohésion.


On notera enfin la direction dynamique du chef autrichien Florian Krumpöck (né en 1978) : l’ancien élève de Daniel Barenboim fait vivre les couleurs de l’orchestration de son geste souple et aérien, même si l’on note certains décalages par endroits (notamment avec le xylophone, placé dans une loge de côté au I).



Florent Coudeyrat

 

 

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