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Amère Amérique

Toulouse
Halle aux Grains
02/07/2002 -  
John Adams : Century Rolls
Leonard Bernstein : Symphonie N°3 “Kaddish”

Orchestre du Capitole de Toulouse, Michel Plasson (direction), Emanuel Ax (piano); Janna Baty (soprano), Michael Lonsdale (récitant)

On est heureux de voir, cette année, la programmation de l’orchestre du Capitole s’ouvrir enfin davantage à la musique contemporaine, et l’on doit saluer l’initiative de Michel Plasson qui s’aventure ici assez loin de son répertoire familier.

Bien sûr, il y a bien des façons d’être “contemporain”, et l’on sait que les américains n’apprécient guère la modernité des compositeurs européens, surtout français. On peut, certes ne pas toujours leur donner tort, mais il semble tout de même que certains se complaisent un peu trop à brosser l’inertie intellectuelle de leurs auditeurs dans le sens du poil. Le concerto pour piano de John Adams “Century Rolls” semble être un nouveau succès du genre depuis que son créateur, Emanuel Ax, le promène autour du monde. Soit. Est-il permis, cependant, de rester circonspect devant cette œuvre profonde comme une pub pour Herta, forte comme un verre de Champomy tiède, nouvelle et aventureuse comme une rediffusion estivale du Gendarme de Saint-Tropez ? C’est de la musiquette pour fast-food light, qui ne dérangera pas les digestions les plus difficiles, aussitôt oubliée qu’entendue.

Il est dommage de voir tant de talent interprétatif gâché, Michel Plasson et les musiciens toulousains ayant joué avec beaucoup de sérieux et un admirable professionnalisme, malgré de légers décalages rythmiques. Farceur, Emanuel Ax a prouvé en bis avec quelques minutes de Liszt qu’une musique composée il y a plus d’un siècle et demi pouvait contenir davantage d’idées et de modernité qu’une de 1997.
Il devrait certainement se concentrer davantage sur Liszt, Emanuel Ax, il fait ça très bien.

On a reproché beaucoup de choses à Leonard Bernstein, la naïveté, le mélange des genres (avec même parfois du jazz dedans, horreur!), l’emphase. Mais en ces temps de world music au kilomètre et de métissage très In, Leonard Bernstein a enfin le vent en poupe chez nous ; 12 ans après sa mort, il était temps!

Certes, il y a de la naïveté et de la grandiloquence, un peu, dans le texte de cette symphonie-oratorio où Bernstein s’interroge sur sa foi. Mais il y a avant tout de la sincérité et beaucoup d’émotion dans cette musique, ainsi qu’un impressionnant métier d’orchestrateur. L’omniprésence des chœurs, dans un emploi très stravinskien, à la force violente, parfois âpre, donne une ampleur dramatique certaine à l’œuvre et fait oublier la narration guère inspirée de Michael Lonsdale.

Michel Plasson, parfaitement relayée par l’orchestre et l’ensemble Les Éléments, décidément une valeur sûre, un peu moins par une soprano au vibrato abondant, a pu enfin donner libre cours à son tempérament expansif dans cette musique aux émotions brutes et enthousiastes, à l’impact immédiat et pourtant jamais trivial. Le résultat était une interprétation forte sans verser dans le démonstratif, dynamique sans être bruyante, touchante enfin.

Puisque ce répertoire semble lui aller bien, on serait curieux, à présent, d’entendre à Toulouse Ives ou Copland.

L’on sait gré, en tout cas, à Michel Plasson de nous avoir permis de juger sur pièces de l’état de la musique américaine et, sans vouloir entrer dans des considérations façon “l’Amérique terre de contrastes”, on peut certainement préférer le melting pot un peu brut mais sincère et témoin d’un vrai métier de compositeur de Bernstein, à la new-age soft et un rien roublarde d’Adams, l’André Rieu de Manhattan.


Laurent Marty

 

 

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