Back
Lohengrin désinvolte Salzburg Grosses Festspielhaus 04/09/2022 - et 18 avril 2022 Richard Wagner: Lohengrin Hans‑Peter König (Heinrich der Vogler), Eric Cutler (Lohengrin), Jacquelyn Wagner (Elsa von Brabant), Martin Gantner (Friedrich von Telramund), Elena Pankratova (Ortrud), Markus Brück (Der Heerrufer des Königs), Alexander Hüttner, Thomas Atkins, Simon Schnorr, Roland Faust (Vier Brabantische Edle), Jana Hohlfeld, Maria König, Leonie Nowak, Kristina Fuchs (Vier Edelknaben)
Sächsischer Staatsopernchor Dresden, André Kellinghaus (chef de chœur), Bachchor Salzburg, Christiane Büttig (chef de chœur), Chor des Salzburger Landestheaters, Ines Kaun, Carl Philipp Fromherz (chefs de chœur), Sächsische Staatskapelle Dresden, Christian Thielemann (direction musicale)
Jossi Wieler, Anna Viebrock, Sergio Morabito (mise en scène), Torsten Gerhard Köpf (co‑concepteur des décors), Sebastian Alphons (lumières) J. Wagner, E. Cutler (© Ruth Walz)
Cette année est la dernière saison durant laquelle Christian Thielemann et l’Orchestre de la Staatskapelle de Dresde officient au Festival de Pâques de Salzbourg. Nikolaus Bachler, le nouvel intendant et ancien directeur du Bayerische Staatsoper de Munich, veut maintenant que ce soient des ensembles différents qui se produisent chaque année. Et ce seront Andris Nelsons et l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig qui reprendront le flambeau l’an prochain pour une reprise de la production munichoise de Tannhäuser conçue par Romeo Castellucci.
Christian Thielemann a beaucoup joué Wagner, que ce soit bien évidemment à Bayreuth ou dans cette salle, où les musiciens ont donné dans le passé Parsifal et Les Maîtres chanteurs de Nuremberg. La lecture qu’il donne du premier acte de ce Lohengrin est d’une grande finesse. La musique avance grâce à des tempi assez vifs mais peu heurtés. L’orchestre a beaucoup de couleur mais il n’y a pas de dureté dans le son. En son temps, un Karajan aurait rempli la fosse mais Thielemann se contente d’un orchestre normal, il n’y a par exemple, « que » six contrebasses. Les chanteurs s’équilibrent assez bien et nous avons ce que l’on serait tenté d’appeler une combinaison bayreuthienne. Le final du premier acte qui suit le duel est impressionnant de construction. Il y a plus de puissance dans les passages choraux dans le deuxième et surtout dans un troisième acte simplement grandiose. L’orchestre est le grand triomphateur de cette soirée.
La distribution réunie ici est de bon niveau. Dans le rôle‑titre, Eric Cutler, ancien Erik dans Le Vaisseau Fantôme de cet été à Bayreuth, a la stature du rôle. C’est un détail mais il gagnerait peut‑être à plus varier voix de poitrine et de tête pour préserver ses moyens. Jacquelyn Wagner en Elsa ne force pas. Elle est assez touchante et très à son aise sur scène. Martin Gantner, ancien Beckmesser à Bayreuth ou à Zurich, est très éloquent dans les imprécations de Telramund au deuxième acte. Elena Pankratova a beaucoup de puissance mais elle joue moins avec les mots que ses collègues germaniques. Hans‑Peter König a de superbes moments et d’autres où l’âge de ce grand chanteur se fait un peu sentir. Les trois chœurs sont superbes et ont une magnifique diction. A un moment dans le deuxième acte, il y a un petit décalage entre chœurs et orchestre. Les musiciens se tournent vers Thielemann et en quelques mesures, tout se remet en place. C’est dans des moments que l’on apprécie la magie du spectacle vivant et l’autorité des musiciens.
La conception des « trois metteurs en scène » est de présenter une Elsa et un Lohengrin un peu désinvoltes par rapport à un couple Telramund-Otrud plus grave et plus adulte. Nous sommes en guerre et Lohengrin semble plus intéressé par la perspective de sa nuit de noces que de sauver l’empire. Comme pour de nombreuses mises en scène « concepts », la relecture est brillante par moments... et un peu moins convaincante à d’autres. Lorsqu’à la fin du deuxième acte, Ortrud est rabaissée à un statut de servante d’Elsa, quand Telramund âgé s’avère incapable de se battre dans le duel ou se fait tuer dans le troisième sans qu’il ne représente de réelle menace, le texte, la musique et l’idée marchent bien. Mais ce n’est pas le cas partout, la conclusion est moins éloquente et cohérente, la réapparition du frère d’Elsa en double un peu zombie de Lohengrin ayant moins de sens. La qualité de la direction d’acteurs est réelle et dans la grande, très grande salle du Grosses Festpielhaus, les chanteurs savent s’exprimer avec efficacité. On peut ne pas être complètement convaincu mais il y a ici un réel travail de théâtre.
Le public un peu traditionaliste fait un triomphe aux chanteurs et surtout au chef et à son orchestre superlatif. Incident cocasse, lorsque les chefs des trois chœurs reviennent pour saluer et une partie de la salle les confond avec les trois metteurs en scène et ils se font huer par une partie du public, une autre souriant de cette équivoque...
Antoine Lévy-Leboyer
|