About us / Contact

The Classical Music Network

Bruxelles

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Triple réussite

Bruxelles
La Monnaie
03/15/2022 -  et 17, 20*, 23, 26, 29, 31 mars, 3, 6, 9 avril 2022
Giacomo Puccini: Il trittico
Il tabarro

Péter Kálmán (Michele), Corinne Winters*/Lianna Haroutounian (Giorgetta), Adam Smith (Luigi, Amante), Roberto Covatta (Il Tinca), Giovanni Furlanetto (Il Talpa), Maxime Melnik (Un venditore di canzonette), Annunziata Vestri (La Frugola), Benedetta Torre (Amante)


Suor Angelica
Corinne Winters*/Lianna Haroutounian (Suor Angelica), Raehann Bryce‑Davis (La Zia Principessa), Elena Zilio (La Badessa), Annunziata Vestri (La suora zelatrice), Tineke van Ingelgem (La maestra delle novizie, La suora infirmiera), Benedetta Torre (Suor Genovieffa), Annelies Kerstens (Suor Osmina), Raphaële Green (Suor Dolcina), Karen Vermeiren (Prima sorella cercatrice), Marta Beretta (Seconda sorella cercatrice), Emma Posman (Una novizia)


Gianni Schicchi
Peter Kálmán (Gianni Schicchi), Benedetta Torre (Lauretta), Elena Zilio (Zita), Adam Smith (Rinuccio), Roberto Covatta (Gherardo), Karen Vermeiren (Nella), Luca Dall’Amico (Betto di Signa), Giovanni Furlanetto (Simone), Gabriele Nani (Marco), Tineke van Ingelgem (La Ciesca), Roberto Accurso (Maestra Spinelloccio, Ser Amantio di Nicolao), Kurt Ghysen (Pinellino), Lucas Cortoos (Guccio), Henri de Beaufort/Vladimir de Hemptinne* (Gherardino), Gérard Lavalle (Buoso Donatti)
Chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie, Chœurs de la Monnaie, Alberto Moro (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction musicale)
Tobias Kratzer (mise en scène), Rainer Sellmaier (décors, costumes), Bernd Purkrabek (lumières), Manuel Braun (vidéo)


Il Tabarro (© Matthias Baus)


Après Lucio Silla en 2017, Tobias Kratzer revient à la Monnaie pour un ambitieux projet, le Triptyque (1918) de Puccini. La précédente production, reprise deux ans plus tard, date de 1995, il y a tout de même plus d’un quart de siècle. Il faut donc se réjouir que la nouvelle se déroule dans un contexte sanitaire plus favorable, à la suite de l’interruption forcée des représentations de Norma, en décembre, et de l’abandon, peu avant la première, de toutes celles de Carmen, en janvier. Ce formidable spectacle compense notre frustration d’avoir manqué les opéras de Bellini et de Bizet.


Représenter le triptyque en entier lors d’une même soirée constitue un défi à cause des changements de registre : après un drame passionnel s’enchaînent une pièce sentimentale puis une truculente comédie. Le metteur en scène allemand en tient compte, dans la direction d’acteur, ajustée à chaque opéra, mais aussi dans la scénographie. Il tabarro se déroule dans un assez impressionnant décor subdivisé en quatre parties, permettant des actions simultanées. Le beau dispositif de Rainer Sellmaier et les savantes lumières de Bernd Purkrabek évoquent l’atmosphère si caractéristique d’une péniche et d’un port moderne, avec une référence revendiquée au film et aux comics Sin City.



Suor Angelica (© Matthias Baus)


Le plateau devient ensuite totalement dépouillé pour Suor Angelica, la vidéo de Manuel Braun, inspirée de la Nouvelle Vague, constituant cette fois le concept principal. Particulièrement réussie, celle‑ci crée des jeux de correspondances entre les religieuses présentes sur la scène et les mêmes figurant sur l’écran. La puissante émotion suscitée par le deuxième opéra provient ici d’un juste dosage entre humour et profondeur, avec un résultat esthétique et dramatique absolument stupéfiant, ce qui prouve que l’utilisation, trop fréquente, de la vidéo à l’opéra peut encore produire de superbes résultats.



Gianni Schicchi (© Matthias Baus)


Enfin, Gianni Schicchi se déroule comme dans une émission de télévision. Des spectateurs placés sur des gradins installés au fond de la scène observent l’action et se manifestent sous l’injonction de chauffeurs de salle. L’immense réussite de cette irrésistible troisième partie provient d’une direction d’acteur réglée au millimètre.


Un regard attentif permet de déceler ce qui lie discrètement ces trois opéras. Des sœurs dans Suor Angelica dissimulent une subversive bande dessinée racontant l’histoire d’Il tabarro. Sur un écran de télévision, un coupe batifole dans un bain mousseux qui fera concrètement son apparition dans Gianni Schicchi. C’est aussi en écoutant sur un disque vinyle un extrait de Suor Angelica que Buoso Donatti, dans le préambule de l’opéra suivant, décide de léguer sa fortune à une communauté religieuse, au grand dam de ses héritiers légitimes. Que ceux qui auront l’occasion d’assister à cette production prêtent attention au panettone. Gianni Schicchi déguste à la fin cette célèbre brioche italienne qui aura fait son apparition auparavant, sans que personne dans la salle ne se doute, à ce moment‑là, que cette gourmandise constitue, elle aussi, un lien. Une grande mise en scène, limpide en apparence, profonde et complexe en réalité.


Autre motif de réjouissance : l’orchestre, excellemment conduit par Alain Altinoglu. Le directeur musical, qui conçoit assez pertinemment ce triptyque comme une symphonie en trois mouvements, livre une lecture splendide à la tête d’un orchestre épanoui et précis, aussi convaincant dans les passages dramatiques que dans ceux plus sentimentaux ou vifs. Le chef trouve une certaine continuité entre les trois ouvrages, tous exécutés avec relief et clarté, rendant ainsi justice tant à la beauté de l’orchestration qu’au génie théâtral du compositeur.


La réussite de cette production repose aussi sur une distribution de haut niveau, en tout cas sans carence. La plupart des chanteurs incarnent deux rôles, voire trois pour Benedetta Torre qui apparait dans tous les opéras. La lumineuse soprano italienne se distingue surtout en Lauretta, au point techniquement dans l’air probablement le plus célèbre, « O mio babbino caro ». Les interprètes parviennent à donner vie à des personnages très différents, comme Elena Zilio, impeccable de sobriété d’abord en religieuse âgée, irrésistible de mesquinerie ensuite en Zita, ou comme Péter Kálmán, menaçant en Michele, truculent en Gianni Schicchi, formidablement joué, mais aussi soigneusement chanté, offrant ainsi un portrait inénarrable de ce rusé personnage.


Tout aussi admirable en Giorgetta qu’en Suor Angelica, la soprano américaine Corinne Winters concilie justesse de la caractérisation et tenue vocale, tandis qu’Adam Smith, ténor au timbre séduisant, joue de son charme naturel en Luigi et en Rinuccio. La prestation impeccable d’Annunziata Vestri en Mère supérieure ne doit pas occulter sa contribution remarquée en Frugola dans Il tabarro, malgré la relative brièveté de ses interventions, de même que celle de Roberto Covatta, qui se démarque plutôt en Gherardo dans Gianni Schicchi, bien qu’il marque tout de même le rôle de Tinca de son empreinte. Impossible évidemment de passer sous silence la princesse de Raehann Bryce‑Davis dans Suor Angelica : cette chanteuse à la voix ample et puissante ne réalise qu’une unique incarnation, mais fort convaincante, en dépit d’une tenue vestimentaire et d’une allure générale plutôt discutables. Parmi les autres partenaires qui, tous, renforcent la qualité et l’homogénéité de la distribution, il faut signaler le Buoso Donatti de Gérard Lavalle, qui accomplit l’exploit de rester inerte une heure durant, ainsi que l’impeccable Simone de Giovanni Furlanetto, archétype de l’élégant aristocrate italien d’âge mûr. Splendides chœurs, enfin, parfaits d’engagement et de finesse dans Suor Angelica.



Sébastien Foucart

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com