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Raretés haydniennes et jeunes talents München Cuvilliés-Theater 03/19/2022 - et 23*, 24, 27, 29 mars 2022 Joseph Haydn: L’infedeltà delusa, Hob.XXVIII:5 Jasmin Delfs (Vespina), Emily Sierra (Nanni), Jessica Niles (Sandrina), Armando Elizondo (Flippo), Joel Williams (Nencio), Andrew Gilstrap (Il padre di Nencio)
Bayerisches Staatsorchester, Giedrė Slekytė/Peter Tomek* (direction musicale)
Marie-Eve Signeyrole (mise en scène), Fabien Teigné (décors, costumes), Lukas Kaschube (lumières), Laurent La Rosa (vidéo), Leyli Daryoush, Corinna Jarosch, Katharina Ortmann (dramaturgie) J. Niles (© Wilfried Hösl)
Les opéras de Haydn restent des raretés à la scène. Il faut peut-être y voir que Haydn même dans sa musique vocale reste un compositeur instrumentiste tandis qu’un Mozart est toujours théâtral dans chacune de ses œuvres. Le livret de cette Infidélité déçue n’a pas la profondeur et la subtilité de ceux de Da Ponte et cela explique probablement pourquoi Marie-Eve Signeyrole n’a pas hésité à modifier certains paramètres, déplaçant l’action dans un internat de jeunes files durant les années 1950 et transformant Sandrina et Nanni en un couple lesbien.
Une fois le cadre posé, il y a dans sa conception et sa direction d’acteurs de bons moments. L’action rebondit et a une certaine intensité. Chanteurs et chanteuses se dévêtissent, se déguisent, s’embrassent sans que cela soit lourd ou voyeuriste. Plusieurs passages sont réellement touchants comme ce moment où les deux amantes se devinent, chacune d’un coté de linges tendus.
Il y a cependant un bémol : la mise en scène est très chargée. Sur la petite (et merveilleuse) salle du Théâtre Cuvilliés, l’abondance d’idées, de vidéo prise sur scène, procédé à la Castorf, fait que la lisibilité de l’action souffre et que l’on sature à plusieurs reprises. Un peu comme pour la relecture du Freischütz par Dmitri Tcherniakov, le spectateur devrait pouvoir suivre et comprendre ce qui se passe sans « sous‑titres ». Cette conception gagnerait tant à être plus épurée.
Remplaçant Giedrė Slekytė, souffrante, Peter Tomek fait honneur aux répétiteurs des théâtres d’opéra. La mise en place et le style sont impeccables. Il trouve rapidement un bon équilibre entre la fosse et la scène et donne une lecture aérée, dynamique et pleine de vie.
La distribution est composée de chanteurs de l’Opéra Studio de Munich. Les voix sont fraîches et équilibrées. Le trio central de femmes Jasmin Delfs, Emily Sierra et Jessica Niles, est de très bon niveau : chapeau en particulier à Jessica Niles, dont l’air assez dramatique du deuxième acte est peut‑être le sommet de cette soirée.
Voici en fin de compte une soirée attachante d’une œuvre qui vaut le détour et surtout, qui est un véhicule parfait pour toute une série de jeunes artistes sympathiques et talentueux dont on attend avec impatience se voir ce qu’ils et elles feront dans quelques années.
Antoine Lévy-Leboyer
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