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Une vamp à Alger

Zurich
Opernhaus
03/06/2022 -  et 8, 10, 13, 15, 17*, 20, 25, 31 mars, 5 avril 2022
Gioachino Rossini : L’Italiana in Algeri
Cecilia Bartoli*/Nadezhda Karyazina (Isabella), Ildar Abdrazakov*/Pietro Spagnoli (Mustafà), Lawrence Brownlee/Levy Sekgapane* (Lindoro), Nicola Alaimo (Taddeo), Ilya Altukhov (Haly), Rebeca Olvera (Elvira), Siena Licht Miller (Zulma)
Chor der Oper Zürich, Ernst Raffelsberger (préparation), Orchestra La Scintilla, Gianluca Capuano (direction musicale)
Moshe Leiser, Patrice Caurier (mise en scène), Christian Fenouillat (décors), Agostino Cavalca (costumes), Christophe Forey (lumières), Etienne Guiol (vidéo), Kathrin Brunner, Christian Arseni (dramaturgie)


C. Bartoli (© Monika Rittershaus)


Fidèle parmi les fidèles de l’Opernhaus, où elle se produit régulièrement chaque saison depuis plus de 30 ans maintenant, Cecilia Bartoli a choisi d’y interpréter cette année Isabella, l’héroïne de L’Italienne à Alger de Rossini. Elle est arrivée à Zurich avec dans ses bagages la production conçue tout exprès pour elle par Moshe Leiser et Patrice Caurier, étrennée au Festival de Pentecôte de Salzbourg en 2018 puis reprise le même été. Lassé de son épouse Elvira, le Bey Mustafà charge son serviteur Haly de lui trouver une femme plus séduisante. Et voilà qu’arrive, à dos de chameau, Isabella, une belle Italienne en visite à Alger. Mustafà tombe instantanément sous le charme. A partir de là, les clichés vont s’enchaîner – certains pas vraiment politiquement corrects – mais comme tout est fait avec gentillesse et sans arrière‑pensée, personne n’en a véritablement cure : les habitants d’Alger sont des contrebandiers de produits de luxe et de matériel électronique, armés de kalachnikovs et réveillés par les harangues du muezzin, alors que les Italiens, comme de bien entendu, sont des gens malins dont il faut se méfier, ne pensant de surcroît qu’à boire et à manger des pâtes ! Les trouvailles se succèdent aussi sans discontinuer : Taddeo, le soupirant d’Isabella, apparaît en chemisette et culotte courte, la peau brûlée par le soleil ; pour séduire Mustafà, Isabella est plongée dans un bain de mousse ; l’air d’Haly sur la ruse des femmes italiennes est doublé par les images d'Anita Ekberg dans la Fontaine de Trevi, tirées de La dolce vita de Fellini ; on reste dans le septième art pour la fin, puisqu’Isabella et son fiancé Lindoro quittent Alger à la proue d’un navire, façon Titanic. Une production pas forcément des plus fines mais, on l’aura compris, on rit beaucoup durant toute la soirée.


Les chanteurs s’en donnent eux aussi visiblement à cœur joie. Cecilia Bartoli prend un malin plaisir à jouer les vamps séductrices et à user et abuser de ses charmes ; femme émancipée et énergique, elle n’a de cesse de ridiculiser Mustafà. Malgré des aigus parfois un peu serrés, la chanteuse offre une splendide interprétation vocale du rôle d’Isabella, avec sa voix flexible et sa technique hors pair qui lui permet de venir à bout de vocalises périlleuses, sans parler de ses pianissimi légendaires. On découvre les talents de comédien d’Ildar Abdrazakov, qui déclenche les fous rires du public à chacune de ses interventions en macho ridicule et obsédé sexuel. Vocalement, on est séduit par sa basse, qui, malgré la fréquentation de rôles beaucoup plus lourds, est encore capable de moduler sa voix pour se plier aux pyrotechnies rossiniennes. En Taddeo amoureux dépité, Nicola Alaimo offre un magnifique exemple du meilleur du chant italien, où chaque mot et chaque phrase sont au service de la musique. La révélation de la soirée est le Lindoro de Levy Sekgapane : remplaçant Lawrence Brownlee, malade, ce jeune ténor sud‑africain fait sensation par la précision de ses vocalises et l’assurance de ses aigus ; un nom à retenir. A la tête de La Scintilla, la formation sur instruments d’époque de l’Opernhaus de Zurich, Gianluca Capuano offre une lecture vive et dynamique de la partition de Rossini, menée tambour battant et alliant précision des attaques et homogénéité des registres. Au rideau final, la salle fait un triomphe à tous les artisans de ce spectacle qui réchauffe les cœurs en cette période troublée.



Claudio Poloni

 

 

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