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Distribution « 4 étoiles »

Marseille
Opéra
02/09/2022 -  et 11*, 13, 16 février 2022
Richard Wagner : Die Walküre (arrangement Eberhard Kloke)
Petra Lang (Brünnhilde), Samuel Youn (Wotan), Nikolai Schukoff (Siegmund), Sophie Koch (Sieglinde), Aude Extremo (Fricka), Nicolas Courjal (Hunding), Jennifer Michel (Gerhilde), Laurence Janot (Ortlinde), Lucie Roche (Waltraute), Julie Pasturaud (Schwertleite), Ludivine Gombert (Helmwige), Cécile Galois (Siegrune), Marie Gautrot (Grimgerde), Carine Séchaye (Rossweisse)
Orchestre de l’Opéra de Marseille, Adrian Prabava (direction)
Charles Roubaud (mise en scène), Katia Duflot (costumes), Marc Delamezière (lumières), Camille Lebourges (vidéo)


S. Koch, N. Schukoff (© Christian Dresse)


Ces dernières semaines, les incertitudes liées à la pandémie ont occasionné bien des frayeurs à la direction de l’Opéra de Marseille, qui a dû remplacer en dernière minute le chef d’orchestre Lawrence Foster et la mezzo Béatrice Uria Monzon, dans le rôle de Fricka. De même, il a fallu placer l’orchestre en fond de scène afin de respecter la distanciation sociale, ce qui a contraint Charles Roubaud à une adaptation minimaliste de sa mise en scène déjà présentée ici même en 2007. Dénué de tout accessoire, le plateau est animé des seules projections vidéo sur le rideau qui sépare les chanteurs de l’orchestre, Roubaud insistant sur quelques références signifiantes (le bouc comme symbole de fécondité et de perversité) ou plus classiquement sur la force brute des éléments. C’est principalement la direction d’acteur qui donne de la force à son travail, bénéficiant de la proximité de la scène avec le public, tout en se permettant quelques rares audaces : Siegmund séduit ainsi Sieglinde dès leur premier contact, en buvant l’eau recueillie dans ses mains, tandis que Wotan apparaît comme un personnage plus sombre et cruel, autant dans son apparence physique que dans le meurtre inattendu de Hunding.


La réussite de la production tient avant tout du plateau vocal réuni, qui recueille des applaudissements enthousiastes de la part d’un public volontiers rajeuni – on note là les heureux effets de la mise en place du programme « Fortissimo!  », voilà trois ans, qui offre aux moins de 28 ans des tarifs imbattables (10 euros la place en dernière minute, notamment). De quoi se délecter de l’incontestable flair du directeur de l’Opéra de Marseille en matière de voix, comme le prouve la réunion d’un couple d’exception, constitué de Nikolai Schukoff (Siegmund) et Sophie Koch (Sieglinde). Spécialiste du répertoire straussien et wagnérien, la mezzo française ose ainsi aborder un rôle plus aigu que sa tessiture – à la manière de l’évolution vocale de Petra Lang, par exemple. Le pari est tenu haut la main, tant Koch impressionne par ses qualités de diction, avant de se saisir des périlleuses difficultés dans l’aigu sans jamais sacrifier à la rondeur d’émission. A ses côtés, Nikolai Schukoff emporte également l’adhésion par ses qualités d’articulation, au service d’une force de conviction peu commune. Même si son émission se rétrécit dans le suraigu, au détriment de la substance, le ténor autrichien impressionne par la parfaite maîtrise technique de son instrument, faisant vivre le texte avec une grande intelligence.


On retrouve ces qualités d’incarnation chez Petra Lang (Brünnhilde), autour de phrasés veloutés, d’une précision millimétrée avec l’orchestre. Il est toutefois impossible d’oublier qu’elle n’a plus guère l’âge du rôle, autant physiquement qu’au niveau des prouesses vocales (suraigus arrachés et médium qui manque de soutien). Malgré quelques passages trop mélodramatiques (avec des « r  » trop appuyés), Samuel Youn donne un éclat bienvenu à son Wotan, d’une fraîcheur vocale insolente sur toute la tessiture, à l’instar de la radieuse Aude Extremo (Fricka). La mezzo française trouve là un rôle à la parfaite mesure de ses moyens, faisant valoir avec une aisance confondante la beauté de son timbre, autant que sa voix large et admirablement projetée. A ses côtés, l’impact physique de Nicolas Courjal donne aussi beaucoup de satisfactions pour son court rôle de Hunding, de même que les superlatives walkyries réunies pour l’occasion, qui démontrent toute l’attention accordée aux seconds rôles.


La surprise vient aussi de l’adaptation orchestrale réalisée par le compositeur et chef d’orchestre Eberhard Kloke, qui réduit l’effectif à cinquante musiciens, là où environ quatre vingt dix sont habituellement préférés (ce qui reste inférieur à l’orchestration originale de Wagner, aux cent dix musiciens prévus). On gagne en légèreté et en souplesse, sans jamais couvrir les chanteurs, ce que l’on perd en force d’impact pour les pages guerrières, dont la fameuse « Chevauchée des Walkyries ». A ce jeu là, la direction d’Adrian Prabava est un régal d’équilibre, portant une attention bienvenue aux alliages de timbres parfois morbides, sans pour autant perdre de vue l’élan narratif global, le tout en un geste assez vif. Assurément l’un des grands atouts de la soirée, avec le formidable plateau vocal réuni.



Florent Coudeyrat

 

 

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