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Décor d’enfer et d’acier

Geneva
Grand Théâtre
01/25/2022 -  et 29, 31 janvier, 2, 4*, 6 février 2022
Richard Strauss : Elektra, opus 58
Ingela Brimberg (Elektra), Tanja Ariane Baumgartner (Klytemnästra), Sara Jakubiak (Chrysothemis), Michael Laurenz (Agisth), Károly Szemerédy (Orest), Michael Mofidian (Pfleger des Orest), Marion Ammann (Die Aufseherin), Elise Bédènes (Die Vertraute), Mayako Ito (Die Schleppträgerin), Julen Henric (Ein junger Diener), Dimitri Tikhonov (Ein alter Diener), Marta Fontanals-Simmons, Ahlima Mhamdi, Céline Kot, Julia Elena Surdu, Gwendoline Blondeel (Fünf Mägde)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Alan Woodbridge (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Jonathan Nott (direction musicale)
Ulrich Rasche (mise en scène et scénographie), Denis Krauss (collaborateur à la mise en scène), Leonie Wolf (collaboratrice à la scénographie), Sara Schwartz, Romy Springsguth (costumes), Jonathan Heck, Yannik Stöbener (chorégraphie), Michael Bauer (lumières), Stephan Müller (dramaturgie)


(© Carole Parodi)


Une immense structure métallique occupe l’entier du plateau. Elle se compose d’une longue tour cylindrique penchée, de plus de 5 mètres de haut, et de deux anneaux disposés à des hauteurs différentes, qui tournent autour de cette dernière et qui s’inclinent tout au long de la soirée, d’un côté puis de l’autre, parfois très fortement. L’ensemble pèse près de 13 tonnes. Le concepteur de cette imposante machinerie, Ulrich Rasche, est connu dans le monde du théâtre germanophone pour ses productions visuellement fortes. Pour son Elektra genevoise, il a adapté et agrandi la scénographie qu’il avait réalisée à Munich en 2018 pour la pièce éponyme de Hofmannsthal, à l’origine de l’opéra. C’est donc dans cet impressionnant décor d’acier froid et gris, baigné dans un superbe jeu de lumières, que se déroule la tragédie des Atrides. Placés sur chacun des anneaux, les chanteurs et les choristes sont en mouvement pendant toute la durée de la représentation. Ils sont habillés en noir, de la même façon, ce qui ne permet guère de les distinguer. Chacun, qu’il soit serviteur ou puissant, est condamné à tourner en rond, comme pris au piège, dans cette immense prison de fer, car la fuite est impossible. L’impuissance, la fatalité et la malédiction sont ici évoquées de manière ingénieuse et spectaculaire à la fois.


Harnachés, sans cesse en mouvement, les chanteurs ont énormément de mérite à s’attaquer à la redoutable partition de Richard Strauss dans de telles conditions. Le plateau vocal se révèle parfaitement homogène et d’un remarquable niveau. Il est emmené par la superbe Clytemnestre de Tanja Ariane Baumgartner, davantage manipulatrice qu’hallucinée, à la voix chaude et soyeuse et à la présence intense. Ingela Brimberg est une Electre à la projection solide et aux aigus tranchants, malgré un léger vibrato ; elle est aussi capable de nuances et de douceur, comme dans la scène des retrouvailles avec son frère, un des plus beaux moments du spectacle. La Chrysothémis de Sara Jakubiak ne leur cède en rien, avec son timbre lumineux et limpide. Les rôles masculins sont à l’avenant, avec l’Oreste de Károly Szemerédy au timbre grave et corsé et aux accents terrifiants, ainsi que l’Egiste de Michael Laurenz, homme traqué aux aigus étincelants.


La seule déception vient de la fosse, où la direction de Jonathan Nott, à la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, manque de tension dramatique et ne parvient pas à traduire toute la noirceur et la violence du drame ; le chef se révèle en revanche remarquable de cohérence et de précision, faisant dérouler les longues phrases de Strauss dans une transparence faite de sensualité et de lyrisme. Dommage qu’un tel spectacle hors du commun se soit déroulé devant un public clairsemé.



Claudio Poloni

 

 

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