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Un vétéran à la baguette

Paris
Philharmonie
12/15/2021 -  et 16* décembre 2021
Johannes Brahms : Symphonies n° 3 en fa majeur, opus 90, et n° 4 en mi mineur, opus 98
Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt (direction)


H. Blomstedt (© Mathias Benguigui/Pasco And Co)


94 ans passés... Avant même l’analyse strictement musicale de cette soirée, comment ne pas, avant tout, saluer la véritable performance physique d’Herbert Blomstedt qui, né le 11 juillet 1927, se dirige donc allégrement vers ses 95 ans ? Même si, depuis la dernière fois que nous l’avons vu voilà presque deux ans aussi bien à Paris qu’à Berlin quelques jours plus tard, le pas semble s’être fragilisé quelque peu lors de son entrée sur scène, même si la gestuelle semble plus ramassée et moins explosive qu’elle a pu l’être par le passé, le vétéran Blomstedt n’en demeure pas moins en pleine possession de ses moyens. Il suffisait d’ailleurs de le voir presque se dandiner en mesure à la fin du concert, se calant ainsi sur les applaudissements de la Philharmonie de Paris (comble pour l’occasion) qui le faisaient revenir pour la quatrième fois sur son estrade afin de lui témoigner la reconnaissance d’un concert de très grande tenue.


Concert de très grande tenue et non pas immense concert comme on a eu la chance d’en entendre avec lui car la Troisième Symphonie (1883) de Johannes Brahms (1833-1897) qui ouvrait cette représentation ne nous aura qu’à moitié convaincu. Pourtant, l’Allegro con brio inaugural fut bien emmené, le chef distillant une assez belle énergie et veillant aux contrastes de la partition entre la masse des cordes et la clarté des vents, notamment une petite harmonie ce soir en état de grâce. Pour autant, on sentait une certaine fébrilité (de légers problèmes de mise en place côté cordes en particulier) et une vision qui nous échappait, Blomstedt ayant semblé parfois suivre l’orchestre plus qu’il ne le précédait et, en tout cas, plus qu’il ne le conduisait véritablement. C’est surtout l’Andante qui nous aura un peu dérouté. Même si la clarinette enjôleuse de Pascal Moraguès (n’oublions pas Arnaud Leroy, son acolyte pour la soirée) fut absolument sublime pour lancer l’orchestre, on a souvent eu une impression de surplace, l’orchestre semblant attendre là encore une indication de la part du chef qui, pourtant, notamment après une phrase de Miriam Pastor Burgos (récemment nommée hautboïste solo aux côtés du bien connu Alexandre Gattet), a su d’un simple geste relancer l’orchestre dans un mouvement d’une ampleur et d’une chaleur à se damner. Le célébrissime troisième mouvement, Poco allegretto, dont les premières notes suscitèrent frissons, murmures et même chantonnement de la part de plusieurs spectateurs, fut très réussi. Blomstedt, fidèle en cela à la partition, le prit assez rapidement et ne joua jamais sur l’alanguissement dont certains chefs font si souvent preuve dans cette page illustre ; de fait, on y aura perçu plus une fraîcheur, une certaine innocence qu’un pathos de mauvais aloi. Mais c’est certainement l’Allegro final qui nous aura le plus convaincu ; le chef y retrouve la violence, les élans, les bourrasques que l’on aurait aimé entendre dès le début, l’orchestre se lançant à corps perdu dans ce foisonnement qui se conclut néanmoins par un apaisement que seuls les applaudissements rompirent.


Après l’entracte, Herbert Blomstedt dirigeait cette fois-ci la Quatrième Symphonie (1884-1885), œuvre qu’il a en quelque sorte rodée l’été dernier en l’interprétant au Festival de Salzbourg à la tête du Philharmonique de Vienne. Là, en revanche, par rapport à la Troisième qui l’avait précédée, quelle totale réussite ! Trouvant une voie médiane entre la vision désespérée d’un Carlos Kleiber et la vision orgiaque d’un Herbert von Karajan, Blomstedt nous aura surtout délivrer une vision... « à la Blomstedt » pourrait-on dire, faite à la fois de grandeur et d’une humilité devant la partition où, à défaut parfois d’une certaine caractérisation, nous aurons surtout entendu une version rendant pleinement hommage au compositeur. D’ailleurs, au moment des derniers saluts, c’est la petite partition de poche (restée fermée sur son pupitre) que le chef brandit à l’adresse du public, rappelant à ce dernier qui était la personne à ovationner ce soir. L’Allegro ma non troppo fut idéal d’équilibre, Blomstedt relançant sans cesse les cordes d’un moulinet du bras droit jusqu’à ce que, dans un geste d’un naturel et d’une générosité qui n’appartiennent qu’à lui, il invite de la main gauche cette fois-ci les bois à intervenir à leur tour. Après un Andante moderato d’une grande poésie, là encore grâce à des bois en très grande forme, Blomstedt attaqua avec une énergie dionysiaque le troisième mouvement, veillant toujours aux équilibres, les quatre cors (emmenés ce soir par l’excellent Benoît de Barsony) se fondant ainsi dans l’orchestre avec là encore un naturel confondant. Jetant leurs dernières forces dans le mouvement final avec cette passacaille si incroyable, Blomstedt et l’Orchestre de Paris – mention spéciale ici à Vincent Lucas à la flûte solo – conclurent ce concert dans un véritable feu d’artifice au terme duquel on ne pouvait s’empêcher de se dire : quel chef quand même !



Sébastien Gauthier

 

 

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