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Insolation dans le Grand Nord

Strasbourg
Palais de la Musique
12/02/2021 -  et le 3 décembre*
Robert Schumann : Ouverture « Hermann und Dorothea », opus 136
Edvard Grieg : Concerto pour piano en la mineur, opus 16
Jean Sibelius : Symphonie n° 1 en mi mineur, opus 39

Alexandre Tharaud (piano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov (direction)


A. Tharaud, A. Shokhakimov (© Grégory Massat)


En ce moment, le Musée d’art moderne de Strasbourg consacre une exposition à La Marseillaise, chant guerrier commandé en 1792 à Rouget de Lisle par le maire de la ville. Et c’est ce même hymne révolutionnaire que Robert Schumann cite abondamment dans Hermann et Dorothée, ouverture composée en 1851 : une Marseillaise utilisée comme un élément de couleur locale plutôt caricatural, puisque comme dans le récit épique éponyme de Goethe, il s’agit d’évoquer l’ennemi, l’envahisseur, celui dont on tente de fuir les troupes. Aziz Shokhakimov et l’Orchestre philharmonique de Strasbourg soulignent beaucoup ce côté martial : forte-piano très accusés, accents systématiquement soulignés, thème caractéristique d’emblée martial, et pas du tout pianissimo comme indiqué. Un caractère anguleux que les brutales embardées corporelles du chef sollicitent délibérément : certainement pas un contresens, mais un résultat qui manque de subtilité et de gradations. Même quand il s’essaie aux évocations guerrières, Schumann reste un romantique sensible, pas un graveur d’eaux-fortes.


Approche tout aussi dégraissée pour le Concerto pour piano de Grieg, qu’Alexandre Tharaud fait sonner svelte, davantage lisztien que nordique, sur un piano Yamaha au timbre clair, instrument doté de couleurs superbes et d’une réactivité certainement plus immédiate qu’un lourd Steinway, mais qui manque d’assise dans les graves. On apprécie cette luminosité, cette absence d’empâtement et d’emphase, Tharaud ne cherchant de toute façon jamais à se faire passer pour un poids lourd du piano, au risque de se trouver parfois englouti sous la masse orchestrale. S’il ne maîtrise pas toujours bien les volumes, du moins Aziz Shokhakimov escorte-t-il bien son soliste dans cette recherche perpétuelle d’avancée. On a connu ce concerto plus généreux en effets romantiques, mais la fluidité et le refus de toute lourdeur d’une telle vision ont aussi leurs avantages. Deux bis, toujours très enlevés, sollicitent à l’extrême le double échappement du piano : un Scarlatti dont les doubles croches répétées griffent le clavier comme des foucades de flamenco, et des Sauvages de Rameau d’une vivacité irrésistible.


Encore beaucoup de nervosité dans la Première Symphonie de Sibelius, dont Aziz Shokhakimov exacerbe les contrastes et les ruptures de ton, au risque de laisser l’auditeur perplexe. En tout cas une vision qui se veut moderne, dépourvue de brumes, et qui met l’orchestre au défi d’une virtuosité collective impeccablement relevé. Rappelons toutefois qu’on peut aussi mettre en valeur d’autres aspects dans cette musique : un programme sous-jacent encore naïf, un hommage latent à Tchaïkovski voire de curieux relents d’un wagnérisme mal assumé. Ici tout est orienté systématiquement vers la lumière, l’éclat, voire une relative abstraction, lecture au demeurant délivrée par l’Orchestre philharmonique de Strasbourg avec un véritable panache, Shokhakimov tenant bien les rênes et obtenant avec une belle sûreté tout ce qu’il cherche à mettre en valeur. On passe ainsi une seconde partie de concert impressionnante, mais un peu univoque. Impression prolongée en bis par une Valse triste qui ne lésine pas sur l’expressionnisme : les danseurs virevoltent, mais les rictus sont crispés comme des masques de James Ensor. Là encore l’impact est puissant, mais attention à ce qu’autant d’énergie ne devienne pas un système.



Laurent Barthel

 

 

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