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Alcina encore et toujours

Paris
Palais Garnier
11/25/2021 -  et 28, 30 novembre, 6, 8*, 13, 15, 17, 19, 21, 26, 28, 30 décembre 2021
Georg Friedrich Haendel : Alcina, HWV 34
Jeanine De Bique (Alcina), Gaëlle Arquez (Ruggiero), Sabine Devieilhe*/Elsa Benoit (Morgana), Roxana Constantinescu (Bradamante), Rupert Charlesworth (Oronte), Nicolas Courjal (Melisso)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Alessandro Di Stefano (chef de chœur), Balthasar-Neumann-Ensemble, Thomas Hengelbrock*/Inaki Encina Oyón (direction musicale)
Robert Carsen (mise en scène), Tobias Hoheisel (décors, costumes), Jean Kalman (lumières), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Ian Burton (dramaturgie)


(© Sébastien Mathé/Opéra national de Paris)


L’aura-t-on vue et revue, cette Alcina mise en scène par Robert Carsen ? Et, chaque fois, le charme opère toujours, quand on retrouve l’île enchantée et le huis clos ouvrant parfois sur un jardin d’éden de l’amour partagé. La dévoreuse d’éphèbes y soumet tout à la loi du désir, avec les lumières magnifiques de Jean Kalman, qui nous en disent presque autant que la musique elle-même. C’est le règne d’Eros, de ses jouissances et de ses souffrances. Il ne connaîtra pourtant pas le lieto fine obligé du seria, le Canadien prenant ici des libertés, après avoir fait de Morgana et d’Oronte un couple de serviteurs dignes du buffa : Ruggiero tue Alcina, par amour, avant de partir seul, Bradamante sa fiancée partant de son côté. A quelle vie retournent ces corps enfin rendus à leur forme première ? Trahison du livret, sans doute, mais tout est ici si cohérent qu’on adhère aussitôt. La séduction ne vient pas moins de la création de personnages de chair et d’os, grâce à une direction d’acteurs qui va jusqu’au fond des âmes et des corps. Des images restent, telle celle d’Alcina se tenant aux murs, prête à s’effondrer, lorsqu’elle chante son désespoir, ou paraissant au fond d’une enfilade, alors que Ruggiero, à l’avant-scène, lui tourne le dos.


On attendait beaucoup la jeune Caraïbe Jeanine De Bique, dont fait grand bruit le récital récemment paru chez Berlin Classics. Elle affiche d’emblée des atouts : maîtrise du souffle et de l’émission, avec des pianissimi aigus, galbe du phrasé, qui feront merveille dans les méandres de « Ombre pallide », assurance de la vocalise dans « Ma quando tornerai ». L’interprète se signale également : l’enchanteresse vibre de passion douloureuse. On regrette seulement un timbre monochrome, une ligne parfois un peu contrainte, une sensualité trop discrète. A ses côtés, le Ruggiero de Gaëlle Arquez, conquérant ou brisé, séduit par la richesse et la chaleur du timbre, l’aisance de la colorature, qui fait crépiter « Sta dell’ircana », la douceur capiteuse du cantabile dans « Che m’inganni ». Mais l’on souhaiterait, chez elle aussi, plus de variété dans les couleurs, et « Verdi prati » trahit un affaiblissement du médium et du bas-médium.


Sabine Devieilhe éblouit en Morgana allumeuse et allumée. Elle la transforme en emploi de colorature suraigu, s’envolant jusqu’au contre-fa dans « Tornami a vagheggiar », mais ne sacrifie pas à la pure virtuosité, modèle de style et pas seulement de technique. Roxana Constantinescu, en revanche, n’a ni l’agilité coruscante ni les graves de Bradamante, rôle visiblement pas sur mesure pour son mezzo – peut-être sa voix la destinerait-elle plutôt à Ruggiero. Le seria handélien ne flatte pas autant les hommes, qui d’ailleurs ne s’imposent pas vraiment : si Rupert Charlesworth, certes nasal, assure en Oronte, le Melisso de Nicolas Courjal, malgré des graves abyssaux, reste trop français. L’ensemble n’est donc pas toujours marqué au sceau du pur belcanto.


Les chanteurs, en tout cas, ne sont pas moins portés par la fosse que par la scène. Superbe Thomas Hengelbrock à la tête de son Ensemble Balthasar Neumann : il anime l’enchaînement d’arie da capo avec un formidable sens du théâtre. L’accompagnement de « Ah, mi cor » d’Alcina ou du plus modeste « Pensa a chi geme » de Melisso est pur régal. On écoute autant l’orchestre que les chanteurs.



Didier van Moere

 

 

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