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La sobriété de Cecilia Bartoli Paris Philharmonie 11/29/2021 - et 22 août (Luzern), 19 (Martigny), 22 (Zurich) novembre, 1er (Bruxelles), 3 (Bordeaux), 5 (Luxembourg), 14 (Hamburg), 16 (Bremen), 18 (Essen), 22 (München) décembre 2021 Antonio Vivaldi : Nisi Dominus en sol mineur, RV 608 – Gloria en ré majeur, RV 589 : « Domine Deus »
Georg Friedrich Händel : Ode for St Cecilia’s Day, HWV 76 : « What passion cannot music raise and quell ! »
Alessandro Marcello : Concerto pour hautbois en ré mineur, WVZ 799
Giovanni Battista Pergolesi : Stabat Mater Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), Franco Fagioli (contre-ténor), Pier Luigi Fabretti (hautbois)
Les Musiciens du Prince - Monaco, Gianluca Capuano (direction)
G. Capuano, C. Bartoli (© Alain-Hanel/Opéra de Monte-Carlo)
Grâce à l’initiatrice du projet, Cecilia Bartoli, l’ensemble Les Musiciens du Prince - Monaco devient de plus en plus connu et alterne concerts et représentations d’opéras – il est ainsi prévu qu’il joue L’Italienne à Alger et Le Turc en Italie à l’Opéra de Vienne au mois de juin prochain. Créé au printemps 2016 à l’initiative donc à la fois de Cecilia Bartoli et de Jean-Louis Grinda, directeur de l’Opéra de Monte-Carlo, soutenu à la fois par S.A.S. le Prince Albert II et S.A.R. la Princesse de Hanovre, le petit orchestre s’arrêtait donc ce soir à la Philharmonie de Paris au cours d’une tournée les conduisant à travers une bonne partie de l’Europe en ces mois de novembre et de décembre marqués par une pandémie dont l’ombre ne cesse de planer sur la tenue des concerts. Cela explique sans doute en partie le succès de cette soirée, le public étant également et évidemment venu en nombre pour écouter et applaudir la soprano italienne comme il l’avait fait voilà maintenant trois ans.
Nous écrivions alors, au détour de notre compte rendu : « Que serait un concert de Cecilia Bartoli sans une certaine dose de "show Bartoli" ? ». Eh bien force est de constater que cette soirée aura surtout été marquée par la sobriété de la chanteuse alors que ce terme n’est pas celui qu’on lui accole le plus facilement compte tenu de sa flamboyance et de sa générosité presque physique à l’égard du public. Sobriété tout d’abord, notons-le, dans la tenue : smoking noir, chemisier blanc, cheveux tirés en arrière avec une grande queue de cheval.
Sobriété surtout dans l’interprétation, qui s’impose dès le bref extrait du Gloria RV 589 de Vivaldi, Cecilia Bartoli imposant d’emblée une prononciation parfaite et une ductilité dans le chant qui fait rendre les armes à tout critique. Sobriété qui innerva la tout aussi poignant extrait de l’Ode à Sainte Cécile de Händel dans le fameux extrait « What passion cannot music raise and quell ! » qu’elle a d’ailleurs enregistré il y a peu avec Sol Gabetta au violoncelle (et l’ensemble Cappella Gabetta dirigé par Andrés Gabetta, Sony). Epaulée ce soir par le sublime violoncelle solo de Robin Michael (que l’on a souvent croisé notamment comme violoncelle solo de l’Orchestre Révolutionnaire et Romantique) et par les interventions également tout en finesse du violon solo d’Enrico Casazza, Cecilia Bartoli nous livra une véritable démonstration grâce à un éventail de nuances à nul autre pareil et à des aigus d’une pureté tout bonnement admirables.
Dans le Stabat Mater, c’est également Cecilia Bartoli qui s’impose. Que ce soit dans les duos avec le contre-ténor (le mariage entre les deux voix étant superbe dès le « Stabat Mater dolorosa » introductif mais également dans le « Fac ut ardeat cor meum » ou dans le « Quando corpus marietur » conclusif) ou dans les passages où elle chantait seule (le « Cujus animam gementem » par exemple), la mezzo italienne fit montre d’une longueur de souffle, d’une pudeur dans le prononcé des mots qui la mirent très nettement au-dessus de Franco Fagioli. Car celui qui est rapidement devenu une des stars des hautes-contres aura été la grande déception de cette soirée. S’il maria très habilement sa voix à celle de sa comparse dans le Stabat Mater, ses interventions solistes se caractérisèrent surtout par un vibrato envahissant, par un maniérisme de mauvais aloi dans certaines fioritures ou certains trilles et par une voix souvent assez engorgée dans les attaques. Il faut dire que sa première intervention, dans le Nisi Dominus de Vivaldi, nous fit tomber de haut. Outre les défauts précédemment cités, on aura ainsi constamment regretté que Franco Fagioli ait davantage cru qu’il chantait un air d’opéra qu’une pièce religieuse ; à cet égard, le fameux « Cum dederit » fut totalement raté.
A côté des deux chanteurs, les Musiciens du Prince - Monaco, parfaitement dirigés par Gianluca Capuano, s’illustrèrent par un entrain et une attention où l’ensemble laissait parler également les individualités à l’instar du violoniste Enrico Casazza ou du hautboïste Pier Luigi Fabretti, qui fut chaleureusement applaudi aussi bien comme accompagnateur – ravissant même, à nos yeux en tout cas, la vedette à Franco Fagioli dans le « Gloria Patri » du Nisi Dominus – que comme soliste dans le Concerto de Marcello, peut-être le plus célèbre concerto pour hautbois de toute la musique, en tout cas de la musique baroque.
Trois bis plus tard (un donné par chaque chanteur, un par les deux ensemble), le public prit congé des musiciens, ayant pris un indéniable plaisir à ce concert au cours duquel l’étoile Bartoli brilla sans nul doute plus que jamais : rendez-vous donc, si tout va bien, à la Philharmonie de Paris en décembre 2022 !
Le site de Cecilia Bartoli
Le site de Franco Fagioli
Le site des Musiciens du Prince - Monaco
Sébastien Gauthier
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