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Fidélité musicale... Paris Théâtre du Châtelet 01/27/2002 - et 30* janvier, 2, 5, 8 février 2002 Ludwig van Beethoven : Fidelio Anne Schwanewilms (Leonore), Kim Begley (Florestan), Reinhard Hagen (Rocco), Steven Page (Don Pizarro), Lisa Milne (Marzelline), Toby Spence (Jaquino), Matthias Hölle (Don Fernando) Orchestra of the Age of Enlightenment, Simon Rattle (dierction) Deborah Warner (mise en scène)
Dieu qu’il est difficile de contenir son énervement intérieur lorsque dans le grand air de Leonore à la fin du premier acte les cors multiplient les couacs ! Les accidents arrivent mais les naufrages indiquent quelque chose de plus sérieux. Il faut revenir sur cette volonté, sans espérer épuiser le débat, de jouer Beethoven «sur instruments d’époque» alors qu’en réalité son écriture anticipait l’amplification et la densification du son qui allait venir, elle excédait, à l’évidence, largement les moyens instrumentaux de son époque. Jouer ses dernières sonates sur un pianoforte frise le ridicule, et qui se risquerait aujourd’hui à donner ses ultimes quatuors sur des cordes en boyaux ? On avait connu le même problème dans Les Noces de Figaro interprétées par le Concerto Köln au Théâtre des Champs-Elysées en octobre (lire la critique). Dans ce Fidelio les cordes manquent d’épaisseur, les bois de force et les cuivres d’assurance. Heureusement la baguette impériale et vigoureuse de Rattle fait passer le frisson. La distribution vocale, par contre, si elle assure l’essentiel, se révèle très moyenne avec une Leonore manquant d’ampleur, un Don Pizarro trop léger, un Jaquino sans projection. Lisa Milne (Marzelline) et Kim Begley (Florestan) emportent la conviction par des moyens vocaux convenant à leurs rôles. Très discutable par sa volonté de laideur et de désenchantement affichés, la mise en scène de Deborah Warner se révèle, sur la durée, intéressante et efficace : dans un décor très «guerre de l’ex-Yougoslavie» avec son béton, ses grillages et ses parpaings, on découvre des hommes à la dérive (un «gouverneur» de prison qui ressemble surtout à un chef de milice, un geôlier alcoolique, une soubrette un peu niaise) cherchant à se sauver dans ce lieu de déliquescence du pouvoir central. La violence des rapports humains, ainsi que l’abnégation de Leonore et le rétablissement final de l’autorité n’en ressortent qu’avec plus de force. Un point de vue qui n’est pas sans évoquer celui de Robert Carsen dans son superbe Lohengrin de l’Opéra de Paris. Si la musique fut perfectible, au moins les valeurs de l’opéra de Beethoven ont elles été au moins magnifiées.
La critique de notre correspondante londonienne
Philippe Herlin
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