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Méfiez-vous du gamin !

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
11/22/2021 -  et 18 (Wien), 20 (Milano), 24 (Luxembourg), 26 (Essen) novembre 2022
Georg Friedrich Haendel : Theodora, HWV 68
Lisette Oropesa (Theodora), Joyce DiDonato (Irene), Michael Spyres (Septimius), John Chest (Valens), Paul-Antoine Bénos-Djian (Didymus), Massimo Lombardi (Le messager)
Il Pomo d’Oro, Maxim Emelyanychev (direction)


L. Oropesa (© Jason Homa)


Avec ces faux airs d’éternel adolescent à l’allure dégingandée, sourire vissé aux lèvres, le chef russe Maxim Emelyanychev (né en 1988) paraît tout droit sorti d’un album de Riad Sattouf : cette impression fugitive disparaît aussitôt qu’il dirige du clavecin l’excellent ensemble Il Pomo d’Oro, fondé en 2012, où la magie opère. Pour autant, à l’instar des chœurs réduits à seize chanteurs (tous parfaits de ferveur), on regrette un effectif limité à un peu plus de vingt musiciens, manifestement insuffisant dans son assise de graves pour embrasser le volume du Théâtre des Champs-Elysées. La salle de 1905 places est pourtant de proportion idéale dans ce répertoire. Quoi qu’il en soit, ce contingent réduit permet d’entendre chaque détail de l’orchestration, parfaitement mis en valeur par l’opposition bien différenciée des pupitres ou la fine attention aux nuances. La dernière partie de la soirée, plus dramatique, est plus encore un régal, tant le geste expressif d’Emelyanychev porte les interprètes à un niveau superlatif.


Le public ne s’y est pas trompé en venant en nombre avenue Montaigne : en ces temps difficiles pour les lieux de spectacles, qui peinent à remplir un peu partout en France, on retrouve l’ambiance des grands soirs avec une salle pleine à craquer jusqu’aux loges sans visibilité au dernier étage. On avait presque oublié cette atmosphère électrique propre au Théâtre des Champs-Elysées, si prompte à s’enflammer : il faut dire que le plateau vocal réuni frise la perfection, à quelques infimes réserves près.


Dans le rôle-titre, Lisette Oropesa fait l’étalage de sa classe vocale habituelle, autour d’une belle aisance technique. Pour autant, la comparaison avec ses partenaires fait entendre une inadéquation stylistique dans ce répertoire, avec une émission moins franche (très léger vibrato) et un investissement dramatique trop décoratif. C’est bien entendu tout l’inverse pour la bouillonnante Joyce DiDonato (Irene), qui imprime une tension à chacune de ses interventions par son autorité naturelle et ses accents tranchants : la maîtrise suprême de son instrument donne une liberté de ton à ses phrasés, ce qui lui permet de laisser libre court à son imagination et à son sens du théâtre. On porte une même admiration à Michael Spyres (Septimius), qui sculpte chaque mot avec amour, toujours au service du sens. Malgré un aigu légèrement instable en début de représentation, le ténor américain connaît les moyens dont il dispose et en use avec art. Il faut entendre avec quelle science il se joue de son dernier air aux aigus périlleux, grâce à sa maîtrise du souffle : la reprise de l’ornementation montre combien il sait donner davantage de corps au même passage, au besoin.


Visiblement ému en fin de représentation, Paul-Antoine Bénos-Djian (Didymus) savoure quant à lui le moment en si belle compagnie, après son récent succès rennais en Rinaldo : le public lui réserve une ovation amplement méritée, tant le contre-ténor français porte d’un feu intérieur son rôle tragique. On aura rarement entendu chanteur aussi investi, au service d’un instrument large, à l’émission veloutée. A ses côtés, John Chest (Valens) pourrait donner davantage de vigueur à son rôle tout de noirceur : pour autant, sa solidité de ligne et son aisance sur toute la tessiture donnent beaucoup de plaisir vocal. Il lui reste à sortir de sa zone de confort pour nous emporter plus encore à l’avenir.


Après la création scénique française de Theodora, donnée ici-même en 2015, le Théâtre des Champs-Elysées permet de savourer une nouvelle fois cet oratorio méconnu de Haendel, d’une variété de climats et d’une hauteur d’inspiration inépuisables. Ce concert exceptionnel est à voir ou à revoir gratuitement sur Medici.tv, jusqu’au 31 décembre prochain : une aubaine !



Florent Coudeyrat

 

 

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