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Le monde d’avant...

Strasbourg
Palais de la Musique
11/04/2021 -  et 7 novembre 2021 (Stuttgart)
Carl Maria von Weber : Oberon: Ouverture
Johannes Brahms : Concerto pour violon en ré majeur, opus 77
Antonín Dvorák : Symphonie n° 9 en mi mineur «Du Nouveau Monde», opus 95

Arabella Steinbacher (violon)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja


A. Steinbacher, M. Letonja (© Grégory Massat)


Après dix années de présence à la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, et quelles années (!), Marko Letonja n’a pas pu bénéficier de la fin de mandat qu’il méritait, et encore moins d’un concert d’adieux en bonne et due forme. Plusieurs vagues de notre virus planétaire sont passées par là, et depuis cet automne, Aziz Shokhakimov est devenu le nouveau directeur musical de l’orchestre. Une réalité qui cependant s’efface au cours de cette soirée, au goût prononcé, et d’ailleurs délectable, de « monde d’avant ».


L’Orchestre philharmonique de Strasbourg paraît d’emblée déterminé à offrir le meilleur à son ancien patron. Il règne l’électricité des grands soirs, bonne volonté et concentration sont patents. On note aussi la reconstitution de l’axe de collaboration privilégié entre Marko Letonja et Charlotte Juillard, qui fonctionne immédiatement bien, la réactivité et l’homogénéité des cordes faisant plaisir à entendre. Côté petite harmonie aussi, tout fonctionne plutôt bien, et les cuivres sont valeureux (un rien distraits au début du Largo de Dvorák...). Dommage simplement que les cors ne se hissent pas au même niveau : aucune catastrophe à déplorer mais une insécurité latente qui conduit souvent l’ensemble du groupe à attaquer trop brutalement, entrées que l’on remarque, alors qu’elles devraient s’immiscer avec davantage de discrétion dans la masse. Un défaut évidemment plus gênant ce soir, vu le caractère romantique du répertoire abordé.


Il paraît que c'est dans les vieux pots... qu’on fait les meilleurs concerts ! En tout cas la salle est quasiment remplie à pleine jauge, et on peut supposer qu’un programme aussi totalement dépourvu d’originalité, mais riche en poids lourds du répertoire, y est pour beaucoup. On a clairement besoin de ce genre de soirée pour équilibrer de temps en temps la programmation d’une saison, le tout restant de trouver à moyen terme les bons arbitrages ailleurs. Ce soir, l’objectif étant manifestement de se faire plaisir, tout le monde y va franchement, et c’est bien ainsi.


Moins entendue de nos jours au concert, l’Ouverture d’Obéron de Weber reste un enchantement, une fête de couleurs et de mélodies, dont il faut cependant respecter la dualité, tantôt nocturne, tantôt diurne. Ici Marko Letonja obtient une belle plénitude des cordes, la clarinette de Sebastien Koebel chante éperdument, mais le cor d’Alban Beunache, auquel échoit le redoutable privilège d’attaquer la soirée à froid, manque d’un peu de magie lointaine.


Le jeu d’Arabella Steinbacher, dont on attendait davantage de vigueur musclée, peut paraître manquer de carrure dans le Concerto pour violon de Brahms, qui requiert en principe davantage de grands gestes affirmés, voire de coups d’archet écrasant les cordes. Ici le format est un rien sous-dimensionné, mais la musicalité ne fait jamais défaut, grâce à un aigu lumineux, qui nous transporte souvent, même quand l’assise manque de vigueur. Cette approche est d’autant plus respectable que par ailleurs Marko Letonja évite d’en rajouter dans l’emphase : un Brahms qui sait rester svelte, voire viennois, en évitant de trop en rajouter dans les grands gestes nordiques. Remarquable climat dans l’Adagio, où tout le monde s’écoute, instaure de superbes dialogues, où brille non seulement le violon, mais aussi, bien entendu, le hautbois de Sébastien Giot. Et très mélodique bis, généreusement accordé : le Largo de la Troisième Sonate pour violon seul de Bach, excellente alternative à certains sarabandes éculées.


Parcours sans faute dans la Neuvième Symphonie de Dvorák, où l’on retrouve avec plaisir l’énergie de Marko Letonja, ce « bras » doté d’une confortable puissance, qui sait entraîner ses troupes. L’orchestre répond, les dosages s’effectuant naturellement. Tout est contrôlé dans l’instant, mais les musiciens ont aussi le loisir de respirer, sans tensions inutiles. Une «Nouveau Monde» qui n’a rien à prouver et renonce à tout gadget, mais qui reste d’une constante musicalité, teintée à la fois de romantisme et d’un juste poids de mélancolie. Joli solo de cor anglais, par une jeune musicienne d’un soir, un rien timide, le poste de titulaire étant actuellement à pourvoir.


En bis, devant une salle extrêmement chaleureuse : la Danse slave opus 72 n° 2, du même niveau musical que la symphonie, et qui d’ailleurs, comme le souligne Marko Letonja, au cours d’un bref discours de remerciement ému, est écrite dans la même tonalité.



Laurent Barthel

 

 

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