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Enivrant

Frankfurt
Oper
10/31/2021 -  et 4*, 13, 20, 28 novembre, 2, 4 décembre 2021
Carl Nielsen : Maskerade, FS 39
Alfred Reiter (Jeronimus), Liviu Holender (Henrik), Michael Porter (Leander), Michael McCown (Leonard), Monika Buczkowska (Leonora), Susan Bullock (Magdelone), Barbara Zechmeister (Pernille), Samuel Levine (Arv), Bozidar Smiljanic (Un veilleur de nuit, Maître de la mascarade), Danylo Matviienko (Un vendeur de masques), Gabriel Rollinson (Un précepteur), Joel Stambke/Felix Schmidt (Un marchand de fleurs), Yongchul Lim (Un portier)
Chor der Oper Frankfurt, Tilman Michael (chef de chœur), Frankfurt Opern- und Museumsorchester, Titus Engel (direction musicale)
Tobias Kratzer (mise en scène), Rainer Sellmaier (scénographie, costumes), Joachim Klein (lumières), Kinsun Chan (chorégraphie), Konrad Kuhn (dramaturgie)


(© Monika Rittershaus)


La nouvelle saison de l’Opéra de Francfort démontre une fois encore, s’il en était besoin, toute la curiosité de cette grande maison pour l’exploration du répertoire dans toute sa diversité. Si les plus curieux ont pu découvrir en début de saison Amadigi de Handel et L’Italienne à Londres de Cimarosa, place cette fois au rare Mascarade (1906) de Carl Nielsen, dans sa version chantée en allemand. Cet ouvrage contemporain de A Village Romeo and Juliet de Delius, donné ici même juste avant le début de la pandémie, partage avec son équivalent anglais la primauté donnée à l’orchestre, qui déploie une musique puissamment originale et inspirée. D’abord au service d’une conversation en musique, la rythmique enivrante fait progressivement place à la mélodie, tout en incorporant des éléments populaires volontairement grotesques et malicieux, qui annoncent les audaces expressionnistes des années 1920. En grand maître du théâtre, Nielsen épouse les moindres inflexions de son livret, aux péripéties peu nombreuses, mais doté d’un humour qui fait mouche tout du long. La modernisation du texte, souvent grivois, provoque ainsi plusieurs fois les rires de l’assistance, manifestement conquise.


Il faut dire que la mise en scène très réussie de Tobias Kratzer (dont la production du Trouvère, donnée ici-même en 2019, sera reprise l’an prochain) apporte une hauteur de vue inattendue à cet ouvrage, en nous plongeant d’emblée dans un huis clos en noir et blanc, mêlant fable initiatique et situations volontairement absurdes. Autour d’éclairages qui varient habilement couleurs froides et chaudes, la scénographie repose sur vingt-cinq portes qui figurent à la fois l’enfermement de la jeunesse dans un corset et les promesses de fantaisie et de liberté offertes par la «Mascarade» au dehors. En dénudant ces personnages (chœur compris) en sous-vêtements, Tobias Kratzer insiste sur la valeur de l’habit comme marqueur social, tandis que les barrières et les faux-semblants tombent avec les masques.


Visuellement, la présence continue des danseurs apporte beaucoup de grâce à l’ensemble, au service d’une direction d’acteur d’une maestria peu commune. On se régale ainsi de la construction des saynètes à vue par des majordomes goguenards, tout autant que de la fantaisie des costumes, dévoilés peu à peu. De plus, Kratzer surprend en se servant de l’écran de surtitres comme un élément de décor, permettant de figurer une course poursuite dans l’eau ou... une inattendue pissotière lors de la mascarade. Jamais vulgaire, cette mise en scène est certainement l’une des plus réjouissantes vues depuis longtemps, confirmant l’originalité de ce metteur en scène décidément en vue (invité l’an passé pour ses débuts parisiens avec une production remarquée de Faust).


Comme à son habitude, l’Opéra de Francfort réunit une distribution d’une admirable homogénéité, dominée par la projection souple et le timbre de velours de Michael Porter (Leander), tout autant que les phrasés parfaitement articulés de son acolyte Michael McCown (Leonard). A leurs côtés, Alfred Reiter impose un Jeronimus d’une vérité théâtrale soutenue, faisant valoir de beaux graves, et ce malgré un timbre qui manque de couleurs. Tous les seconds rôles brillent de fantaisie, tandis que l’excellence du Chœur de l’Opéra de Francfort apporte beaucoup de satisfactions par sa précision et son engagement. On mentionnera enfin la prestation éclatante de Titus Engel dans la fosse, qui donne une lecture stimulante d’énergie, sans jamais perdre d’attention les aspects narratifs.


Assurément, un spectacle réussi à ne pas manquer cet automne à Francfort, de même que la reprise ce mois-ci des Königskinder de Humperdinck (voir notre compte rendu du spectacle en 2015).



Florent Coudeyrat

 

 

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