Back
Euthanasie virtuelle Amsterdam Nationale Opera en Ballet 10/01/2021 - et 3, 4, 5, 8 octobre 2021 Michel van der Aa : Upload Roderick Williams (Father), Julia Bullock (Daughter), Katja Herbers (Psychiatrist), Ashley Zukerman (CEO), Esther Mugambi (Scientist), Samuel West (Brother-in-law), Claron McFadden (Childhood friend), David Eeles, Tessa Stephenson (Friends)
Ensemble Musikfabrik, Otto Tausk (direction musicale)
Michel van der Aa (mise en scène), Elske van Buuren (costumes), Theun Mosk (décors, lumières), Madelon Kooijman, Niels Nuijten (dramaturgie), Joost Rietdijk (réalisateur), Darien Brito (Motion capture/real-time graphics), Julius Horsthuis (VFX supervisor/fractal artist)
J. Bullock (© Marco Borggreve)
Vaste coproduction, Upload, film-opéra et dernière œuvre lyrique de Michel van der Aa (né en 1970), vient d’être créé aux Pays-Bas sur un livret et dans une réalisation scénique de ce compositeur néerlandais. Cette œuvre courte (85 minutes), après sa création mondiale très bien accueillie au Festival de Bregenz 2021, vient de remporter un grand succès public à l’Opéra et au Ballet nationaux d’Amsterdam qui l’a coproduite avec comme partenaires l’Opéra de Cologne, le Park Avenue Armory, l’Ensemble Musikfabrik et la Fondation doubleA. Elle suit la création de son opéra de chambre Blank Out en mars 2016 au Muziekgebouw ann ‘t IJ d’Amsterdam.
L’avenir de l’opéra est-il au cinéma? On ne peut pas dire que le terrain n’aura pas été préparé lors de ces dernières décennies par la paresse des metteurs en scène qui en truffent leurs réalisations scéniques, souvent au détriment de l’action, de la musique et de la concentration du spectateur. Upload est avant tout un film qui raconte l’arrivée dans une clinique suisse de volontaires à la dématérialisation (upload) de leur personne: disparition du corps physique et de toutes les souffrances afférentes mais persistance éternelle d’un moi virtuel. Le processus fait appel à un nombreux personnel et appareillage, rien n’est épargné au spectateur. Par un système de retours en arrière et de projections dans le futur, on assiste sur la scène vide (le film tient lieu de décor) au drame d’un père (le Britannique Roderick Williams, admirable comédien, déjà présent dans Blank Out) et de sa fille (l’Américaine Julia Bullock), qui, après avoir postulé à cette déshumanisation, se retrouve par une faille du système technique incomplètement «téléchargé» et reste en proie à ses plus mauvais souvenirs. Il demande à sa fille de l’«effacer» car elle est la seule à pouvoir réaliser cette euthanasie virtuelle. Malgré une fin très spectaculaire qui figure une nuit blanche pour les deux protagonistes où le film passe de la scène à un immense drap blanc déployé au-dessus de la salle, on ne sait toujours pas quelle sera sa décision. Ce qui, comme dans toute bonne série de télévision, ouvre la porte à un autre épisode...
Si le traitement vocal des deux protagonistes reste assez banal, un parlando assez peu séduisant, la partition d’orchestre est le point fort de l’œuvre, mêlant très habilement de la musique électronique préenregistrée à la performance très virtuose d’un orchestre de onze musiciens, l’Ensemble Musikfabrik dirigé par Otto Tausk. Tour à tour répétitive lors des épisodes qui expliquent le processus, elle devient très complexe, notamment dans l’écriture des cordes, et souvent extrêmement virtuose dans les épisodes dramatiques comme au cours du dilemme entre père et fille.
Même si l’interaction entre les différents médias qui composent cette œuvre est indiscutablement parfaite et si la réalisation technique force l’admiration, on avoue peiner à entrer dans l’action et, malgré le jeu impeccable des deux acteurs, à leur reconnaître le statut de véritables personnages. Une expérience, certes, mais jusqu’où ira-t-on dans la dématérialisation de l’art lyrique?
Olivier Brunel
|