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Tour de chauffe

Strasbourg
Palais de la Musique
09/09/2021 -  
Alexandre Borodine : Le Prince Igor: «Danses polovtsiennes»
Sergueï Prokofiev : Concerto pour violon n° 2 en sol mineur, opus 63
Claude Debussy : Nocturnes: «Nuages» et «Fêtes»
Zoltán Kodály : Danses de Galánta
Johannes Brahms : Danses hongroises n° 1 et n° 10

Nemanja Radulovic (violon)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Aziz Shokhakimov (direction)


A. Shokhakimov (© Jean-Baptiste Millot)


Sortie durable de crise en vue ? On l’espère ardemment... En tout cas, pour des musiciens qui n’ont plus été plongés dans pareil bain de foule depuis près de dix-huit mois, jouer ce soir devant une salle du Palais de la Musique comble à plus de 90 % doit être bien réconfortant.


Côté scène, le changement de cap est moins patent. Cordes toujours masquées de noir, toujours réparties à raison d’un musicien par pupitre, cuivres et bois toujours disséminés un par un, avec énormément d’espace laissé autour de chaque « souffleur ». L’effectif est redevenu un peu plus généreux : douze premiers violons, sept violoncelles, cinq contrebasses..., mais un fonctionnement véritablement normal ne paraît toujours pas envisagé. Curieux, cette avancée des institutions musicales en ordre dispersé, chacune semblant faire sa propre cuisine dans son coin en fonction de protocoles sanitaires qui ne semblent même pas collégialement débattus par les principaux intéressés. Une politique du « pass sanitaire » correctement appliquée (ce soir, au moins côté public, c’est rigoureusement le cas) devrait pourtant permettre aujourd’hui de travailler beaucoup plus normalement.


Travailler est sans doute le mot-clé, car ce soir, pour ce concert de rentrée, beaucoup de repères semblent perdus. Sans doute du fait de cette configuration COVID défavorable, qui creuse partout des trous dans les sonorités voire empêche les musiciens de s’écouter correctement, mais aussi en raison de réflexes émoussés. La cohésion des violons paraît en déroute, Charlotte Juillard ayant bien du mal à fédérer ses troupes, les flottements d’ensemble ne se comptent plus... Peut-être faudra-t-il des mois pour retrouver l’excellence d’avant.


Changer de directeur musical juste à ce moment contribue certainement à l’incertitude ambiante. Marko Letonja est parti, remplacé par Aziz Shokhakimov : vingt-sept ans de moins, un tout autre bagage, d’autres modes de communication. Là on jugera sur la durée, mais pour l’instant le compte n’y est pas. Le chef ouzbek tente d’imprimer à l’orchestre un peu de sa fougue, mais quelques fulgurances momentanées, construites surtout sur de forts écarts de dynamique, et quelques péroraisons énergiques ne suffisent pas pour étayer un discours construit. Debussy, pourtant un domaine familier pour l’orchestre, s’éparpille en petites concrétions de timbres, Brahms sonne lourd, Borodine relativement vulgaire… seules les Danses de Galánta de Kodály supportent mieux ce traitement très séquentiel.


On passera aussi sur le trou noir de la soirée : un Second Concerto pour violon de Prokofiev, où Nemanja Radulovic cherche manifestement à rendre sa partie aussi spontanée voire improvisée que possible. Hélas seuls quelques beaux épanchement mélodiques émergent d’une interprétation confuse, voire techniquement indéfendable : traits savonnés, justesse péniblement approximative... Un marasme où l’orchestre s’enlise aussi, la gestuelle nerveuse du chef ne dissipant jamais l’impression que tout le monde piétine dans une matière gluante qui colle aux semelles.


Sortie durable de crise en vue ? C’est le moment effectivement d’en sortir. Et on formule tous nos vœux pour qu’on y arrive. Mais les miracles n’arriveront pas tout seuls.



Laurent Barthel

 

 

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