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Poussée d’adrénaline à Gstaad Gstaad Tente du festival 08/28/2021 - Vincenzo Bellini : I puritani (extraits) Zuzana Marková (Elvira), Francesco Demuro (Lord Arturo Talbo), Erwin Schrott (Sir Giorgio), Annalisa Stroppa (Enrichetta di Francia), George Petean (Sir Riccardo Forth), Antonio di Matteo (Lord Gualtiero), Patrizio Saudelli (Sir Bruno Robertson)
Zürcher Sing-Akademie, Orchestre de la Suisse Romande, Domingo Hindoyan (direction musicale)
F. Demuro, Z. Marková (© Raphaël Faux/Gstaadphotography.com)
Cet été, les imprévus auront été le lot de la plupart des organisateurs de festivals, et pas seulement en raison de la pandémie. Christoph Müller, directeur artistique du Festival Menuhin de Gstaad, en sait quelque chose : au début de la manifestation, mi-juillet, il a dû faire face à plusieurs annulations, dont celle de l’Academy of St Martin in the Fields, pour cause de restrictions sanitaires. Mais fort heureusement, la situation n’a pas été aussi dramatique qu’à Verbier. Ces derniers jours, l’adrénaline du directeur a de nouveau grimpé en flèche, car les deux chanteurs principaux engagés pour la version concertante des Puritains de Bellini ont déclaré forfait coup sur coup. D’abord le ténor Javier Camarena, pour des raisons familiales. Puis la soprano Lisette Oropesa, pour cause de maladie. Dans les coulisses, on murmure toutefois que son retrait aurait été motivé par des divergences avec le chef d’orchestre. Quoi qu’il en soit, Christoph Müller a réussi à trouver des remplaçants au pied levé, une gageure tant les deux rôles sont d’une extrême difficulté et ne sont au répertoire que d’un petit nombre d’interprètes.
La soprano Zuzana Marková a fait sensation en Elvira. Arrivée d’Italie après 10 heures de route deux jours seulement avant la représentation, sa prestation a été d’autant plus remarquable qu’elle a chanté le rôle pour la dernière fois il y a deux ans à Zurich. Si la voix a pu sembler un peu sous-dimensionnée pour le personnage et les aigus parfois un peu durs, il n’en demeure pas moins que la chanteuse a ébloui par son timbre pur et clair, l’homogénéité de la ligne, l’assurance des vocalises et l’intensité de l’expression, campant une Elvira juvénile et fragile. Quand bien même il n’est pas le plus raffiné des stylistes, le ténor Francesco Demuro a incarné un Arturo fougueux et ardent, au timbre rayonnant et aux suraigus parfaitement négociés. Il faut dire qu’on ne peut s’empêcher de penser que Bellini a fait preuve d’un sadisme certain en distillant dans la partie du ténor plusieurs contre-fa dièse ! George Petean a livré une superbe prestation en Riccardo au magnifique legato et à la noble prestance. Malgré un chant sans beaucoup de nuances, Erwin Schrott a incarné un Giorgio à l’allure fière et à la voix sonore et profonde. En Gualtiero, Antonio di Matteo ne lui a cédé en rien en matière de profondeur du timbre. On signalera également la courte mais remarquable intervention d’Annalisa Stroppa, Enrichetta au timbre de velours.
Pour limiter la durée des rassemblements en raison du coronavirus, la partition a été amputée d’une bonne trentaine de minutes de musique par le chef Domingo Hindoyan. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, il a parfois couvert les chanteurs et son interprétation a manqué de raffinement çà et là, mais il a su capter l’esprit de l’ouvrage en en proposant une version dynamique et contrastée et en faisant de l’orchestre plus qu’un simple accompagnateur, un personnage à part entière. Il convient aussi de mentionner la belle prestation des choristes de la Zürcher Sing-Akademie. Au terme de la représentation, les applaudissements ont été nourris pour tous les artistes. L’opéra est désormais une tradition bien établie à Gstaad.
Claudio Poloni
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