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La jeunesse entretient le feu

München
Nationaltheater
07/23/2021 -  
Extraits de Don Giovanni, La bohème, Simon Boccanegra, Les Contes d’Hoffmann et Falstaff.
Elsa Benoit (Zerlina, Giulietta), Angela Brower (Nicklausse), Tara Erraught (Donna Elvira, La m�re), Golda Schultz (Mimi, Antonia), Selene Zanetti (Donna Anna, Amelia), Freddie De Tommaso (Gabriele Adorno), Long Long (Rodolfo, Hoffmann), Tareq Nazmi (Colline, Fiesco), Boris Pr�gl (Don Giovanni, Marcello), Milan Siljanov (Leporello, Schaunard, Crespel)
Catharina von Bülow (mise en scène), Daniel Bauer, Andrea Hajek (décors, costumes), Benedikt Zehm (lumières)
Bayerisches Staatsorchester, Jordan de Souza (direction)


(© Wilfried Hösl)


Après presque treize années de présence continue dans le grand bureau vitré moderne jouxtant le Nationaltheater, 150 nouvelles productions et 7350 représentations, l’intendant Nikolaus Bachler a définitivement quitté son poste à l’Opéra de Munich en cette fin de mois de juillet, à l’issue d’un mandat qui aura fait globalement consensus.


L’affabilité de l’homme, dont j’ai pu personnellement faire la connaissance lors de sa prise de fonctions, au cours d’un long entretien qu’il m’avait accordé pour Opéra Magazine, n’y est pas pour rien. Beaucoup de rondeur autrichienne (avec l’accent léger et les quelques particularismes de langue germanique qui vont avec), un art de la sociabilité et de la conversation, bref un charme, même si l’homme a toujours su aussi, avec une remarquable sûreté, exactement où il voulait aller et avec qui. Rétrospectivement, pour les avoir quasiment toutes vues, on avoue que des cent cinquante productions de l’ère Bachler, on serait bien en peine d’en citer plus de quinze comme des réussites scéniques indiscutables, du moins de celles que l’on aurait été prêt à retourner voir une seconde fois.


On notera de toute façon une vraie fidélité de Bachler à ses choix, y compris même après un premier échec. Sur la durée, certaines de ces greffes de metteur en scène initialement hasardeuses ont plutô bien pris (Krzysztof Warlikowski, Frank Castorf, Dimitri Tcherniakov, Martin Kusej), d’autres ont continué à végéter (Calixto Bieito, Amelie Niermeyer, Hans Neuenfels), mais de ratés relatifs en demi-réussites s’est dégagée progressivement une véritable ligne. Indiscutablement, Bachler fera partie historiquement des grands directeurs d’opéra, fonction délicate où pour laisser une vraie trace, il faut aussi savoir prendre le risque assumé de se tromper. A l’âge où d’autres prennent leur retraite, Bachler part maintenant diriger le Festival de Pâques de Salzbourg. Première annonce pour 2022 : Lohengrin, production de Jossi Wieler, Sergio Morabito et Anna Viebrock. Décidément, Bachler ne changera plus. Selon ses propres dires « Es gibt Regisseure und es gibt Künstler » (« Il y a des metteurs en scène et puis il y a des artistes »). Point !


Célébrations de départ multiples au cours de ce dernier festival du mandat, dont deux galas lyriques. Là il s’est agi de mettre l’accent sur l’autre point fort de la période écoulée : des distributions riches en tempéraments exceptionnels. Le second gala, à l’affiche impressionnante, aura tenté de rassembler, malgré les restrictions sanitaires du moment, la plupart de ces stars du chant et de la baguette qui ont restitué au Bayerische Staatsoper pendant la période Bachler son lustre d’antan, en partie terni pendant le long règne de Peter Jonas, dont le carnet d’adresses, en dépit de la présence prolongée de Zubin Mehta, était moins prestigieux. Intitulé « Feuer », allusion à un feu littéraire et sacré, le premier gala s’est intéressé à un autre aspect important : la pépinière de voix constituée pendant toutes ces années par l’Opernstudio, organisation en partie indépendante et subventionnée essentiellement par des fonds privés, mais qui a toujours fonctionné en étroite collaboration artistique avec le reste de la maison. Un véritable réservoir de jeunes chanteurs, dont beaucoup sont partis à l’issue de leur séjour de deux ans, mais d’autres ont directement intégré l’ensemble munichois, constituant un inépuisable vivier de seconds rôles.


Production d’opéra à petits moyens ce soir, plutôt que simple défilé. Quatre ouvrages seulement ont été retenus, dont à chaque fois quatre à six extraits sont regroupés, en condensés efficaces. Dispositifs scéniques et éclairages simples, différents à chaque fois : un container de transport malicieusement peint au logo de la compagnie Prometheus Cargo, vu côté extérieur pour Don Giovanni, et intérieur pour La Bohème, quelques grillages façon Regietheater carcéral pour Simon Boccanegra, tous ces éléments combinés pour Les Contes d’Hoffmann... la soirée n’est en rien figée.


On y retrouve des artistes maintenant familiers, comme la basse koweïtienne Tareq Nazmi, en constants progrès, dont le Fiesco de Simon Boccanegra impressionne par son format, ou le ténor britannique Caspar Singh, dont le Don Ottavio de belle facture, avec la seconde strophe de l’aria « Il mio tesoro » dûment ornée, révèle déjà un tempérament davantage rossinien que mozartien. La délicieuse Golda Schulz, dans l’absolu l’une des plus jolies voix de soprano du moment, n’est malheureusement pas bien mise en valeur dans le rôle d’Antonia des Contes d’Hoffmann, ou du moins dans le trio choisi, dont elle émerge mal. Sa Mimi de La Bohème émeut bien davantage. L’Italienne Selene Zanetti a maintenant le bon format pour Amelia de Simon Boccanegra, mais son maintien en scène pèche encore. On retrouve aussi ce soir Angela Brower et Elsa Benoit, en pleine carrière internationale maintenant.


Certains anciens ont tenu à être là en dépit d’un agenda déjà chargé, dont le ténor chinois Long Long, entendu juste la veille à Bregenz en Duc de Mantoue et qui chante ici un Rodolfo de bonne facture, mais toujours avec la même timidité relative. Sa Chanson de Kleinzack, en revanche, a belle allure, dans un français impeccable. D’autres, comme Hanna-Elisabeth Müller, Elettra dans Idomenée le lendemain, ont préféré se faire excuser. Le baryton-basse suisse Milan Siljanov, lui, a tenu à chanter en dépit de béquilles qui apparemment ne sont pas de simples accessoires de mise en scène. Mentionnons enfin une vraie découverte : Freddie de Tommaso, qui n’est pas le second couteau de film noir, auquel son patronyme et même son physique pittoresque pourraient faire penser, mais un remarquable ténor héroïque italien en devenir, du moins si l’on évite de lui faire enchaîner trop tôt des Radamès et des Manrico en série.


Jordan de Souza, lui aussi chef de nouvelle génération, tient les rênes de la soirée,à la tête d’un orchestre qui joue le jeu et prend un véritable plaisir à porter ces jeunes voix. Final joyeux et sympathique : la fugue conclusive de Falstaff, bis qui permet de rassembler tout le monde, avec un peu plus de voix que nécessaire, mais toutes d’une énergie roborative.



Laurent Barthel

 

 

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