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(John) Adam(s) et Eve (Josefowicz)

Paris
Cité de la musique
01/22/2002 -  

John Adams : Tromba lontana - Concerto pour violon - The Wound-Dresser - Guide to strange places (création française)

Leila Josefowicz (violon), Christopher Maltman (baryton)
BBC symphony orchestra, John Adams (direction)


Ce somptueux concert monographique permettait de faire le point sur quinze années de la production d’un compositeur qu’il est parfois de bon ton de considérer, de ce côté-ci de l’Atlantique et de la Manche, avec une certaine condescendance. Le succès public, en tout cas, était au rendez-vous, et la grande salle remplie jusqu’à la galerie.


De Tromba lontana (1986) à Guide to strange places (2001), on ne parlera pas nécessairement d’évolution ou d’approfondissement, mais force sera de constater une indéniable diversité, un métier certain, une habileté non dissimulée, une plume infatigable et, surtout, un esprit solidement ancré dans la tradition musicale américaine.


Brève pièce mettant en vedette deux trompettes situées à chacune des extrémités de la scène, Tromba lontana, qui forme un diptyque de fanfares avec Short ride in a fast machine, renvoie à la fois à Ives et à Copland : du premier, il est difficile de ne pas penser à la trompette (solitaire) de The unanswered question et à l’ambiance nocturne de Central Park in the dark (un autre diptyque, au demeurant) ; du second, on pourrait évoquer un croisement entre l’ambition de Fanfare for the common man et l’atmosphère de Quiet city.


Le Concerto pour violon (1993) se caractérise par un langage plus aventureux et une polyphonie plus complexe, dans l’esprit de la Chamber symphony (1992). Certes, l’orchestre tisse inlassablement, même dans le mouvement lent, une trame continue et bien rythmée, comme un véritable quadrillage de la partition, mais la « patte » habituelle du compositeur n’est pas toujours aisément identifiable. Le premier mouvement combine des tuilages de figures ascendantes qui semblent sortir de Wozzeck avec la tonalité sombre du Second concerto de Chostakovitch. La Chaconne centrale, sous-titrée Body through which the dream flows, est fondée sur un thème dont les quatre première notes rappellent étrangement celui de la Marche des chevaliers dans Parsifal, mais, après tout, le mouvement central de Harmonielehre (1984) s’intitulait déjà The Amfortas Wound. La toccata finale donne l’impression de citer le Capriccio du Concerto de Stravinski et renoue avec le caractère déjanté de la Chamber symphony. Leila Josefowicz se régale et nous régale de la partie virtuose et épuisante, presque sans interruption, que lui réserve cette partition.


Nouveau changement de décor avec The Wound-dresser (Soins aux blessés) (1989), longue mélodie sur un poème de Walt Whitman (1819-1892), qui rend compte de façon à la fois humaniste et clinique de son activité auprès des blessés de la guerre de Sécession. La technique de composition fait peu appel à la répétition et la tonalité d’ensemble est au dépouillement et à la simplicité : plus que le baryton soliste, qui récite davantage qu’il ne chante, le lyrisme, souvent élégiaque, est réservé à l’orchestre, duquel se détachent le premier violon puis la trompette piccolo. Christopher Maltman dit le texte avec sobriété, mais il n’est malheureusement pas toujours aisé à comprendre.


Créé le 6 octobre dernier à Amsterdam dans le cadre d’une commande conjointe de Matinee op de vrije zaterdag (radio néerlandaise), de l’Orchestre symphonique de la radio britannique (BBC) et de l’Orchestre symphonique de Sydney, Guide to strange places (Le guide des lieux étranges) trouve son origine dans un livre éponyme qu’Adams aurait trouvé lors d’un séjour en Provence. Rien à voir avec un journal de voyage, cependant, à moins qu’il ne s’agisse d’un voyage intérieur, comme le suggère le compositeur, qui évoque la psychanalyse : « Vous commencez avec ce que vous connaissez, et vous utilisez cette information génétique pour atteindre quelque chose que vous ne connaissez pas ». Constituant peut-être ainsi un avatar de l’écriture automatique, cette pièce de près de vingt-cinq minutes renoue avec l’inspiration fantasque de Harmonielehre, quoique de façon sans doute plus tourmentée. En effet, si les séquences se font et se défont dans la grande tradition des répétitifs américains, elles se voient chacune conférer une puissance très fortement rythmée et colorée qui offre, à plusieurs reprises, des réminiscences stravinskiennes (Petrouchka, Symphonie en trois mouvements, Symphonie en ut, Le Sacre du printemps). La complexité rythmique et sonore n’a pas parfois rien à envier à Messiaen ou à Nancarrow, mais ceux qui ne se laissent pas entraîner par la pulsation estimeront sans doute que cette musique, profondément narcissique, par-delà son côté brillant et démonstratif, ne trouve sa finalité qu’en elle-même.



Simon Corley

 

 

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