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Rêve glacé Paris Théâtre des Champs-Elysées 06/15/2021 - et 17, 20, 22*, 24, 26 juin 2021 Vincenzo Bellini : La sonnambula Pretty Yende (Amina), Alexander Tsymbalyuk (Rodolfo), Francesco Demuro (Elvino), Annunziata Vestri (Teresa), Sandra Hamaoui (Lisa), Marc Scoffoni (Alessio)
Chœur de Radio France, Sylvie Leroy (chef de chœur), Maîtrise des Hauts-de-Seine, Gaël Darchen (chef de chœur), Orchestre de chambre de Paris, Riccardo Frizza (direction musicale)
Rolando Villazón (mise en scène), Johannes Leiacker (décors), Philippe Giraudeau (chorégraphie), Brigitte Reiffenstuel (costumes), Davy Cunningham (lumières)
F. Demuro, P. Yende (© Vincent Pontet)
Le Théâtre des Champs-Elysées a confié à Rolando Villazón pour sa première mise en scène parisienne La Somnambule, l’opéra mélodrame de Bellini le moins représenté en France.
Au rideau de la première représentation de cette nouvelle coproduction du Théâtre des Champs-Elysées avec trois grandes scènes lyriques mondiales (Metropolitan Opera de New York, Semperoper Dresden et Opéra de Nice Côte d’Azur), le ténor mexicain Rolando Villazón a été violemment sifflé, bronca attisée par le fait qu’il ait placé sur son visage un nez rouge de clown. Gaminerie, certes! tout comme beaucoup de facéties dont il a parsemé sa mise en scène somme toute assez traditionnelle. Le public ne lui aurait-il, à juste titre, pas pardonné d’avoir modifié en l’annulant le happy end rédempteur du livret de Felice Romani, avec le pardon de la supposée faute de la somnambule Amina? L’action qui frise l’invraisemblable héritée des lectures fantastiques de l’époque romantique se tient dans une salle blanche et dénudée avec des portes dont on ne peut qu’imaginer où elles mènent, dispositif plutôt claustrophobiant ne permettant pas beaucoup de variété, mais on comprend bien ce qui se passe. Heureusement une magnifique vue de glacier superbement éclairée selon les heures du jour et de la nuit permet un peu de rêver au monde extérieur.
La distribution est certainement une des meilleurs possibles aujourd’hui. Elle ne remplit cependant pas toutes les exigences du chant belcantiste romantique ni de la prononciation italienne. Le soprano sud-africain Pretty Yende, qui s’est déjà illustrée dans ce répertoire (Les Puritains, Lucia di Lammermoor), possède certes les moyens techniques, tessiture et vocalisation sophistiquée, du rôle d’Amina, mais elle reste toujours à un niveau de tiédeur vocale qui contraste avec son engagement physique extrême. Le ténor sarde Francesco Demuro peut aussi chanter sans la moindre coupure facilitatrice toutes les pyrotechnies du rôle d’Elvino, mais son timbre n’a guère de charme. Magnifique en revanche le Rodolfo de la basse ukrainienne Alexander Tsymbalyuk dans ce rôle à contre-emploi avec la voix passant le mieux par-dessus un orchestre placé devant les solistes, et un style belcantiste tout à fait épatant. Les deux autres rôles féminins, Teresa et Lisa, étaient tenus sans charme particulier par Annunziata Vestri et Sandra Hamaoui.
Le Chœur de Radio France et les enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine faisaient de leur mieux mais étant masqués, leurs interventions capitales dans ce type d’opéra n’étaient pas vraiment compréhensibles. Mais la grande ombre au tableau était vraiment l’Orchestre de chambre de Paris, installé au-dessus de la fosse et empiétant sur la salle, pour des raisons de distanciation sanitaire entre musiciens. Beaucoup trop sonore (les vibrations des cuivres et percussions se ressentaient dans le sol et les fauteuils), il couvrait beaucoup les voix mais surtout, malgré la direction soignée de Riccardo Frizza, faisait faussement accroire que le plus important à l’opéra c’est l’orchestre. Discutable certes mais pas pour le belcanto romantique.
Olivier Brunel
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