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Comme si c’était hier

Bruxelles
La Monnaie
06/11/2021 -  et 13, 15, 16, 17, 18, 19, 22, 24, 25, 27, 29 juin, 1er, 2 juillet 2021
Giacomo Puccini: Tosca (orchestration Frédéric Chaslin)
Myrtò Papatanasiu/Monica Zanettin* (Floria Tosca), Pavel Cernoch/Andrea Carè* (Mario Cavaradossi), Laurent Naouri/Dimitris Tiliakos* (Scarpia), Sava Vemic (Cesare Angelotti), Riccardo Novaro (Il sagrestano), Ed Lyon (Spoletta), Kamil Ben Hsaïn Lachiri (Sciarrone), Logan Lopez Gonzalez (Pastorello), Kurt Gysen (Un carcierere)
Chœurs de la Monnaie, Alberto Moro (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)
Rafael R. Villalobos (mise en scène, costumes), Emanuele Sinisi (décors), Felipe Ramos (lumières)


(© Karl Forster)


C’est une saison terriblement frustrante qui s’achève. Il a fallu se contenter de peu et garder le contact avec la Monnaie par écran interposé. L’institution bruxelloise accueille enfin du public, mais évidemment à jauge réduite, pour une nouvelle production de Tosca (1900), représenté pour la dernière fois il y a vingt-et-un ans sur cette scène.


Rafael R. Villalobos opte pour une approche fidèle, tout en développant des idées intéressantes, la principale étant le rapprochement avec l’assassinat, sur une plage, près de Rome, de Pier Paolo Pasolini, interprété par Sean Van Lee. La mise en scène baigne, en particulier dans le deuxième acte, dans l’univers de Salò ou les 120 Journées de Sodome, l’univers mental de Scarpia invitant, naturellement, à un tel rapprochement, et elle souligne, dans l’argument de cet opéra, la face sombre de la religion. L’acte médian, particulièrement saisissant, se révèle, d’ailleurs, le plus accompli sur le plan du jeu et de la direction d’acteur. Villalobos réserve, dans le premier, sa meilleure idée à la fin, lorsqu’apparaît, en l’absence des choristes, comme cela se produit le plus souvent, dans un encadrement d’une luminosité fulgurante, une vision sacralisée de Tosca. La production retient sans originalité le principe du décor unique pivotant, mais ce dispositif dépouillé en noir et blanc évoque habilement l’intérieur d’une église, les appartements du chef de la police et un cachot. Dans cette scénographie fluide et bien conçue, les peintures de Santiago Ydánez, outre leur valeur esthétique, s’intègrent en toute cohérence. Cette mise en scène conforme à ce qui se pratique habituellement dans ce théâtre cède à la mode des citations projetées, mais elle comporte assez d’atouts pour garder en mémoire le nom de Rafael R. Villalobos.


Distanciation oblige, la Monnaie recourt à une réduction de la partition d’orchestre par Frédéric Chaslin qui ne porte aucunement préjudice à la musique de Puccini, comme il nous a été permis de le constater, en septembre dernier, à l’Opéra royal de Wallonie, pour La Bohème. La prestation au point et inspirée de l’orchestre, limité à une trentaine de musiciens, constitue un solide atout dans cette production. Alain Altinoglu obtient de ses troupes un jeu net, capable de nuances et d’intensité, avec un volume sonore bien balancé avec les voix, tandis que le jeu précis des cordes et des bois rend justice aux splendeurs et la sensualité de l’écriture puccinienne.


Le spectateur a le choix entre deux distributions pour les trois rôles principaux, pour autant qu’il soit en mesure de se procurer un billet: malgré les quatorze représentations, à cause des restrictions, il n’y en aura sans doute pas pour tout le monde. Monica Zanettin ne compte pas parmi les Tosca les plus déchirantes et explosives, mais la soprano possède la tessiture du rôle et en maîtrise les registres. Elle délivre une incarnation juste, crédible, assez creusée, en tout cas techniquement assurée, sa prestation mettant en exergue un medium nourri et des graves expressifs. La soprano semble privilégier une certaine tempérance, voire une certaine prudence, mais elle drape malgré tout sa Tosca des atours de la diva belle et complexe. Le couple formé avec le Mario charismatique, voire sympathique, d’Andrea Carè affiche beaucoup de complémentarité et de crédibilité. La voix du ténor ne se distingue pas particulièrement par sa puissance, encore qu’il s’en montre capable dans le deuxième acte, mais il chante avec raffinement et rigueur.


Dimitris Tiliakos campe un Scarpia idéal par la prestance, les inflexions mordantes et le timbre sombre. La baryton témoigne d’une fine compréhension de ce fascinant personnage de méchant sadique, et il s’y révèle d’autant plus convaincant qu’il ne tombe pas dans la caricature. La Monnaie soigne aussi les rôles secondaires, les chanteurs caractérisant remarquablement leur personnage, tels Sava Vemic en Cesare Angelotti et Riccardo Novaro en Sacristain. Nous aimerions entendre à l’avenir Ed Lyon dans un rôle vocalement plus substantiel que Spoletta afin de confirmer notre jugement favorable. Deux Belges, membres de l’Académie de la Monnaie, Kamil Ben Hsaïn Lachiri et Logan Lopez Gonzalez, endossent, quant à eux, respectivement, ceux de Sciarrone et du Berger, ce dernier figurant, dans cette mise en scène, le jeune Giuseppe Pelosi, accusé du meurtre de Pasolini en 1975.


La Monnaie nous avait manqué, depuis tout de ce temps, mais, étrangement, une fois assis dans cette salle si familière, le souvenir de cette représentation de Così fan tutte au début du mois de mars 2020, avant le premier confinement, nous revient en mémoire, presque comme si elle avait eu lieu hier.


Le site de la Monnaie



Sébastien Foucart

 

 

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