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Cornelius et Stradivarius Monaco Monte-Carlo (Auditorium Rainier III) 12/13/2020 - Carl Maria von Weber : Oberon, J. 306: Ouverture
Felix Mendelssohn : Concerto pour violon n° 2 en mi mineur, opus 64
Robert Schumann : Symphonie n° 1 en si bémol majeur «Frühlingssinfonie», opus 38 Daniel Lozakovich (violon)
Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, Cornelius Meister (direction)
D. Lozakovich (© André Peyrègne)
Colette disait de Monaco que c’était un «pays dont les frontières sont des fleurs». On ne sait pas si les fleurs ont le pouvoir de protéger des virus. Toujours est-il que, contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde, la Principauté n’a pas arrêté ses concerts.
Le Philharmonique de Monte-Carlo continue à accueillir son public. Les gens portent des masques, respectent les sens de circulation, sont assis un fauteuil sur deux, et tout se déroule au mieux. Nul cluster n’est apparu. On est là, dans la salle, conscient d’être des privilégiés. On est là comme les rescapés d’une catastrophe ayant réduit au silence le reste du monde.
Et notre chance est double: car à la rareté de l’événement s’ajoute sa qualité. Depuis le début de l’automne, le Philharmonique a enchaîné quelques précieux concerts avec les pianistes Zimerman, Argerich, Angelich, le ténor (... devenu baryton) Plácido Domingo, le chef Charles Dutoit.
Samedi dernier, c’était le violoniste Daniel Lozakovich qui était en scène. L’enfant prodige qui étonnait le monde il y a quelques années a aujourd’hui 19 ans. Il a toujours une touchante allure d’enfant sage – visage fin, costume sur mesure, coiffure impeccable. Sa manière de jouer continue à tenir du prodige. Elle a une sorte de pureté originelle, de perfection angélique. Son archet ne frotte pas les cordes: il les caresse. Des pianissimos infiniment ténus en résultent. Tout le monde, autour de lui, est suspendu à ses nuances, à ses ralentis. Il tient en haleine l’orchestre et la salle. Et c’est ainsi que, sur son violon – qui, s’il vous plaît, est rien moins qu’un Stradivarius – il a fait merveille dans le célèbre concerto de Mendelssohn.
L’orchestre était dirigé par Cornelius Meister. Arrivant au pupitre, ce chef, avant d’attaquer, s’immobilise dans une pose méditative. Visage barbu, tête renversée en arrière, bras figés vers l’avant, redingote en velours et jabot à l’ancienne, il nous rappelle ces images de chefs d’orchestre du XIXe siècle. C’est précisément dans ce siècle qu’il a puisé son programme: Ouverture d’Obéron de Weber et Symphonie «Le Printemps» de Schumann. Dirigeant l’ensemble du concert par cœur, il obtint de l’orchestre des phrases claires, des respirations nettes, des accords claquants – ce qui ne l’empêchait pas de dérouler des andante de velours où, au fond de l’orchestre, montaient les beaux solos du corniste Patrick Peigner. Ce chef est un maître – ce que son nom, Meister, nous affirme en allemand!
Vous l’aurez compris: entre Stradivarius et Cornelius on a été à la fête.
André Peyrègne
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