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Paris
Maison de la radio
09/24/2020 -  
Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune
Serge Rachmaninov : Concerto pour piano n° 2 en ut mineur, opus 18
Camille Saint-Saëns : Symphonie n° 2 en la mineur, opus 55

Benjamin Grosvenor (piano)
Orchestre national de France, Cristian Măcelaru (direction)


C. Măcelaru (© Thomas Brill)


Concert (presque) de rentrée au National! Si l’orchestre a donné son premier concert de la saison 2020-2021 le 17 septembre dernier (dans un programme romantique allemand où des Lieder de Richard Strauss chantés par Miah Persson côtoyaient Schumann dirigé par le chef slovaque Juraj Valcuha), la présente soirée permettait surtout au National de donner son premier concert sous la direction du chef roumain Cristian Măcelaru. Encore peu connu dans nos contrées, celui-ci donne là son seulement quatrième concert avec l’Orchestre national de France, succédant à Emmanuel Krivine avec un an d’avance par rapport à la date initialement prévue dans ses nouvelles fonctions de directeur musical.


Covid-19 oblige, le programme initial (les Danses de Galánta de Kodály, le Deuxième Concerto pour piano de Rachmaninov et la Cinquième Symphonie de Tchaïkovski) a été remanié afin de tenir dans le cadre de 75 minutes environ, le concert se déroulant sans entracte afin d’éviter tout mouvement de foule intempestif. On s’installe donc dans un auditorium bien plein mais où nombre de places sont neutralisées, les musiciens arborant tous (en tout cas cordes et percussionnistes, à l’exception des «souffleurs») un masque noir et chacun bénéficiant de son propre pupitre, les cordes notamment ne partageant plus leurs partitions comme on avait l’habitude de le voir. Une des tâches du nouveau directeur musical consistant notamment à interpréter la musique française, le programme débutait donc par le célèbre Prélude à l’après-midi d’un faune (1894), inspiré d’un poème de Mallarmé. La flûte enchanteresse de Philippe Pierlot (revenu pour l’occasion, lui qui, entré à l’orchestre en 1976, a fait dernièrement valoir ses droits à la retraite) s’élève devant un public particulièrement attentif (on regrettera au passage que la régie de France Musique ait oublié de couper ses micros, suscitant de fait quelques bruits perturbateurs...), rapidement rejoint par les magnifiques volutes des cordes aux couleurs diaphanes. Si l’on bénéficie en outre de très belles interventions solistes (clarinette, hautbois, cor), on pourra néanmoins regretter une interprétation globalement étale. La direction sobre et précise de Cristian Măcelaru (qui portera lui aussi son masque durant tout le concert) se garde des grandes envolées lyriques qu’on était en droit d’attendre et, si la liberté laissée aux musiciens leur permet certes de s’épanouir pleinement, on aurait tout de même préféré à titre personnel un peu plus de tension au sein de l’orchestre.


Le temps d’une légère pause, et Benjamin Grosvenor (artiste en résidence à Radio France pour la saison 2020-2021) entra en scène. Le jeune pianiste britannique (né en 1992) nous livra une interprétation incandescente du Deuxième Concerto (1901) de Rachmaninov. Passant de la sourde assurance des premiers accords du Maestoso au toucher d’une simplicité cristalline dans l’Adagio sostenuto, adoptant un jeu extrêmement varié (quoi de commun entre l’énergie maîtrisée, sans pour autant faire preuve ici d’un quelconque détachement, dans le mouvement lent et le jeu à la fois bravache et espiègle de l’Allegro scherzando conclusif?), Benjamin Grosvenor fait merveille. Sans épanchement inutile, il interprète ce concerto avec un naturel confondant, marquant de légères inflexions certains passages propres à offrir quelque pause en attendant les moments les plus techniques dont il ne fit d’ailleurs qu’une bouchée. Face à lui, Cristian Măcelaru s’affirme comme un accompagnateur, un soutien et un partenaire de premier choix. Là encore, sa baguette extrêmement précise permet à l’orchestre de répondre du tac au tac, qu’il s’agisse des larges péroraisons du premier mouvement, de la clarinette subtile de Carlos Ferreira (ancienne clarinette solo de l’Orchestre national de Lille) dans le deuxième mouvement ou du pupitre d’altos dans le troisième. Superbe! Et comme s’il était besoin de démontrer l’étendue de ses talents, Benjamin Grosvenor (après avoir remis son masque lors des saluts) interpréta la Danza de la moza donosa d’Alberto Ginastera, nouveau moment privilégié pour le public présent.


Le concert se concluait par une œuvre rarement donnée, la Deuxième Symphonie (1859) de Saint-Saëns. Certains pourront évidemment crier au caractère qui académique, qui pompier, qui éventuellement inintéressant d’une telle œuvre: il faut bien des esprits chagrins me direz-vous mais autant ne pas y prêter attention. Comment ne pas, au contraire, applaudir à cet esprit de découverte (à tout le moins de redécouverte) à l’heure où nombre d’institutions (on pense bien entendu au magnifique travail éditorial du Palazzetto Bru Zane) travaillent à la revalorisation de la musique française du XIXe siècle? En vérité, cette symphonie est la quatrième de Saint-Saëns puisqu’il avait alors déjà composé une Symphonie en la majeur (1850), une Symphonie en mi bémol majeur (1853) et la curieuse Urbs Roma en fa majeur (1854). Les accents romantiques du premier mouvement sont enlevés par un orchestre virevoltant, dirigé avec une belle énergie par Cristian Măcelaru. On est notamment emporté par la fugue de l’Allegro passionato qui passe des premiers violons aux seconds avant de toucher violoncelles et altos dans un tourbillon qui évoque aussi bien l’ouverture des Hébrides que le Saltarello concluant la Quatrième Symphonie «Italienne» de Mendelssohn. Après un magnifique Adagio où le cor anglais de Laurent Decker fait une fois de plus merveille, on aborde un Scherzo tout en finesse (Jacques Bonnaure parle à juste titre de «véritable dentelle rythmique» dans son Saint-Saëns paru en 2010 chez Actes Sud – Classica, p. 54), la symphonie se conclut par un Prestissimo évoquant plutôt cette fois-ci Berlioz par son panache on ne peut plus brillant. Accueil très chaleureux tant du public que des musiciens à l’endroit de Cristian Măcelaru qui, pour l’occasion, offrit un bis: Rêverie (1890) de Debussy. Une belle façon de boucler la boucle de ce programme inaugural qui laisse augurer une collaboration fructueuse!


Le site de Benjamin Grosvenor
Le site de Cristian Măcelaru


(*) Bienvenue Maestro!



Sébastien Gauthier

 

 

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