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Garnier déconfiné Paris Palais Garnier 07/13/2020 - et 14* juillet 2020 Claude Joseph Rouget de Lisle : La Marseillaise
Paul Dukas : Fanfare pour précéder «La Péri»
Richard Strauss : Feierlicher Einzug (Einzug der Ritter des Johanniterordens), TrV 224
Gabriel Fauré : Madrigal, opus 35
Camille Saint-Saëns : Deux Chœurs, opus 68: 1. «Calme des nuits»
Wolfgang Amadeus Mozart : Le nozze di Figaro, K. 492: Ouverture, airs «Hai già vinta la causa» et «Deh vieni non tardar» & duo «Crudel! Perché finora farmi languir così?» – Symphonie n° 41 «Jupiter», K. 551 Julie Fuchs (soprano), Stéphane Degout (baryton), Corine Durous (piano)
Chœur de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan (direction)
(© Elena Bauer/Opéra national de Paris)
L’Opéra national de Paris, avec le soutien de Saint-Gobain et de la Fondation Engie, vient de rouvrir au public avec deux concerts solidaires gratuits offerts principalement au personnel soignant mais aussi à ses mécènes et abonnés fidèles. Le second tenait lieu de concert gratuit exceptionnel du 14 juillet, tradition instaurée par Rolf Liebermann en 1973.
Outre le bonheur de reprendre le chemin d’un lieu de musique après quatre mois de fermeture (la Philharmonie de Paris avait précédé de quelques jours le Palais Garnier pour un concert avec public), il était intéressant de voir comment se déroule un concert aux normes sanitaires du jour. Cela préfigure certainement ce qui attend le public à la rentrée. L’Opéra de Paris a donc organisé ces deux soirées à jauge restreinte, 800 au lieu de 1900 spectateurs, et conçu un programme varié d’une heure trente sans entracte qui permettait à l’Orchestre, au Chœur et à des solistes de se produire et peut-être aussi de mettre en valeur une dernière fois son directeur musical, Philippe Jordan, car rien ne permet d’affirmer aujourd’hui que le projet de donner la Tétralogie de Wagner en version de concert au mois de novembre aura lieu : trop d’incertitudes planent sur ce projet qu’a évoqué Stéphane Lissner dans ses dernières prises de parole.
Pour la partie purement sanitaire, tout en admirant l’effort réalisé en si peu de temps, on reste un peu dubitatif. Certes les recommandations d’espacer les groupes de spectateurs par un siège vide sont bien respectées mais à l’orchestre, au balcon et à l’amphithéâtre, les rangs sont si serrés que si la distance latérale est réglementaire, on est trop proche des spectateurs situés devant et derrière. Il faudrait une disposition en quinconce qui ne serait réalisable que pour des spectateurs isolés un par un. Il nous a semblé que le port du masque était respecté mais pas à 100%. Comme dans les transports parisiens, il reste une proportion de réfractaires. Une autre interrogation porte sur le fait que ni les musiciens de l’orchestre ni leur chef ne portent de masques. Même si la distanciation est respectée, ils sont dans le même espace clos et aucun des spectateurs installés dans les loges d’avant-scène n’était non plus masqué. La salle est-elle partagée en deux pour le risque de contagion aéroportée? Seule la sortie rang par rang semble relever de la responsabilité du personnel d’accueil mais les mauvaises habitudes de troupeau reprennent vite le dessus... Ce sera certainement un énorme défi pour les salles de spectacle de faire respecter les protocoles sanitaires par le public si ceux-ci devaient perdurer.
Il serait injuste de se montrer trop critique pour la partie musicale, car ce concert, qui a été organisé dans des conditions exceptionnelles et anormales, avait beaucoup d’allure. Il a été diffusé en direct sur la page Facebook et la chaîne YouTube de l’Opéra et est disponible sur le site de France Musique. Précédé par un speech du directeur Stéphane Lissner et débutant par une Marseillaise jouée par la fanfare de cuivres (qui n’a pas fait lever plus d’une demi-douzaine de personnes), il s’est poursuivi par une magnifique démonstration par ces onze musiciens jouant derrière des écrans de plexiglas avec deux œuvres de Paul Dukas et Richard Strauss parfaitement jouées sous la direction soigneuse de Philippe Jordan. Ce dernier a laissé la place à son chef des chœurs, José Luis Basso, avec deux œuvres un peu lénifiantes de Fauré et Saint-Saëns.
Le meilleur du concert a été sa partie lyrique avec des extraits des Noces de Figaro. L’orchestre, réduit à une formation Mozart, a joué une Ouverture enjouée, puis Stéphane Degout a fait preuve d’une très belle autorité dans l’air «Hai già vinta la causa»: maîtrise des difficultés, timbre magnifique, ligne vocale impeccable, un Comte très stylé – ce que l’on savait déjà! Très charmante Susanna, Julie Fuchs a très joliment chanté «Deh vieni non tardar» et les deux interprètes sont revenus, faisant un effet de théâtre méritoire avec une telle distanciation pour le duo «Crudel! Perché finora farmi languir così?», lui aussi impeccable.
Philippe Jordan a achevé le concert avec la Symphonie «Jupiter» de Mozart, qui nous a paru un peu longue et traînante. Il est vrai que le port du masque pendant plus d’une heure ne favorise guère la concentration. Le chef a pris la parole pour remercier les soignants et fêter le départ à la retraite d’un de ces musiciens, le tromboniste Philippe Poncet, qui, après trente-neuf ans passés dans l’Orchestre de l’Opéra de Paris, a certainement bien mérité cet hommage et une superbe gerbe de fleurs.
Olivier Brunel
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