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Deuxième épisode

Bruxelles
La Monnaie
02/20/2020 -  et 27 février, 8*, 10, 19, 26 mars 2020
Wolfgang Amadeus Mozart: Così fan tutte, K. 588
Lenneke Ruiten (Fiordiligi), Ginger Costa-Jackson (Dorabella), Iurii Samoilov (Guglielmo), Juan Francisco Gatell (Ferrando), Caterina Di Tonno (Despina), Riccardo Novaro (Don Alfonso)
Chœurs de la Monnaie, Alberto Moro (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Antonello Manacorda*/Ben Glassberg (direction musicale)
Jean-Philippe Clarac, Olivier Deloeuil (mise en scène, costumes), Rick Martin (décors), Christophe Pitoiset (lumières), Jean-Baptiste Beïs, Timothée Buisson (vidéo)


(© Forster)


Cette fois, le décor fonctionne. Dimanche dernier, les spectateurs ont dû se contenter d’une version semi-concertante pour les Noces de Figaro. Pour Così fan tutte (1790), l’autre volet de l’ambitieuse trilogie Mozart/Da Ponte à la Monnaie, les techniciens peuvent exploiter à fond le dispositif, pour restituer toute la complexité et l’originalité de la mise en scène de Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil. Nous profitons de l’occasion pour saluer le travail considérable de toutes ces personnes de l’ombre qui s’efforcent de rendre les spectacles possibles.


Comme les trois opéras se déroulent simultanément durant la même journée, des personnages des Noces de Figaro et de Don Giovanni apparaissent en même temps dans le décor pivotant que les deux couples à l’épreuve de leurs sentiments. Guglielmo et Ferrando, les ambulanciers qui évacuent le corps sans vie du Commandeur, aiment deux influenceuses sur YouTube, Dorabella et Fiordiligi, à moins que ce ne soit l’inverse, tandis que la Comtesse s’entretient avec Despina, qui tient une boutique de vêtements de mode. Don Alfonso, quant à lui, prend du bon temps avec des hôtesses de bar à strip-tease, en compagnie de Don Giovanni, bien entendu – que les lubriques sachent que ces dames conservent sagement leur lingerie.


Riche de sentiments contraires et d’humour, la mise en scène conserve totalement l’esprit de cette intrigue, et malgré la simultanéité des actions dans cette scénographie à plusieurs niveaux, renforcée par l’utilisation de la vidéo, elle demeure lisible, tandis qu’une direction d’acteur précise et compétente rend les personnages et les situations réalistes. La représentation des Noces de Figaro il y a une semaine ne permettait pas de confirmer ou d’infirmer nos craintes, mais il faut reconnaître, en tout cas dans Così fan tutte, que le spectacle présente peu de confusion, malgré la concentration des événements sur 24 heures et dans le même immeuble : il paraît même étonnement limpide. La mise en scène a toutefois tendance à souligner au trait épais sa volonté d’humer l’air du temps, en particulier sur le féminisme et les questions de genre, la production faisant toutefois preuve d’une certaine pudeur, dans l’étreinte entre Guglielmo et Ferrando, par exemple, pris d’une subite attirance l’un pour l’autre.


Cette production tire également sa force d’une distribution idéale et parfaitement rodée. La cohésion l’importe sur les individualités, et les chanteurs possèdent le profil de leur rôle, par la tessiture et le physique, en plus de respecter les canons du chant mozartien. De surcroît, les voix se combinent harmonieusement, des attentes légitimes qui paraissent évidentes, mais auxquelles les productions d’opéra ne répondent malheureusement pas toujours. Lenneke Ruiten, en Fiordiligi, se différencie subtilement de sa sœur par sa personnalité et son tempérament. Cette soprano néerlandaise développe un chant à l’expression éloquente et au phrasé raffiné, en dépit, parfois, d’une légère induration de la voix, à moins que cela participe à la composition du personnage. Le Cherubino de mauvais genre de Ginger Costa-Jackson a laissé une forte impression, sa Dorabella, fashionista d’une féminité autrement plus marquée, confirme le potentiel de cette mezzo-soprano à la voix splendide et au chant aussi ferme que précis et expressif.


Ténor à la voix suave, Juan Francisco Gatell cultive un style remarquable en Ferrando. La beauté du timbre et l’identification au personnage incitent à suivre de près le parcours de cet excellent chanteur. Iurii Samoilov se hisse à la hauteur, avec une prestation vocale conforme aux attentes, moins séduisante, toutefois, que celle de son partenaire, la performance d’acteur retenant un peu plus l’attention. Excellente Barberine, applaudie dimanche passé, Caterina Di Tonno livre une Despina quasiment d’anthologie, toujours juste, pleine d’audace et de bonhomie. Riccardo Novaro possède pour Don Alfonso une voix idiomatique et, plus encore, l’élégance et la distance ironique qu’il convient d’adopter pour incarner le philosophe manipulateur. Il faut préciser que la mise en scène incorpore un air de concert, Con ossequio, con rispetto (1775), chanté avec sa tenue stylistique coutumière par Yves Saelens, un ajout à la pertinence relative, comme si les metteurs en scène tenaient absolument à faire apparaître Don Curzio.


Dans la fosse, l’orchestre nous ravit tout à la fois par son énergie, sa netteté et ses nuances, grâce à la direction impeccable d’Antonello Manacorda, capable d’imprimer constamment de l’impulsion, voire de la frénésie, tout en épousant étroitement le drame, pour un résultat cohérent et persuasif. Suite et fin la semaine prochaine, avec Don Giovanni.



Sébastien Foucart

 

 

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