About us / Contact

The Classical Music Network

Metz

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Femmes, femmes, femmes à l’heure de #MeeToo

Metz
Opéra-Théâtre
12/20/2019 -  21, 22, 26, 31 décembre 2019, 1er* janvier 2020
Jacques Offenbach : La Vie parisienne
Capucine Daumas (Gabrielle), Irina Stopina (Métella), Sylvie Bichebois (La Baronne de Gondremarck), Nina Savary (Pauline), Marie-Emeraude Alcime (Madame de Quimper-Karadec), Laurent Montel (Le Baron de Gondremarck), Carl Ghazarossian (Gardefeu), Scott Emerson (Le Brésilien, Frick), Rémy Mathieu (Bobinet), Frédéric Longbois (Prosper, Alphonse), Jean-Marc Guerrero (Urbain, Le général péruvien), Hervé Mathieu (Alfred), Eric Mathurin (Gontran, Joseph, Trébuchet, Offenbach), Ballet de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole
Chœur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Orchestre national de Metz, Claude Schnitzler (direction musicale)
Jérôme Savary (mise en scène), Frédérique Lombart (réalisation de la mise en scène), Michel Lebois (décors), Michel Dussarrat (costumes), Nadège Maruta (chorégraphie), Patrice Willaume (lumières)


(© Christian Brémont/Opéra-Théâtre de Metz Métropole)


L’Opéra-Théâtre de Metz-Métropole affiche le traditionnel opéra-bouffe d’Offenbach donné aux fêtes de fin d’année dans la perspective d’une saison 2019-2020 ouvertement placée sous le signe de la violence faite aux femmes. Il nous semble que La Vie parisienne n’y échappe pas totalement: Pauline ne dit-elle pas à Gondremarck, qui se plaint du caractère des femmes coquettes, à l’acte III «Tout cela est vrai – mais à qui la faute? A la société moderne qui ne laisse aux femmes qu’une place insuffisante» et la baronne de Gondremarck n’est-elle pas le symbole de la femme bafouée qui trouve le moyen de retourner contre son mari l’outrage qui lui est fait, à l’aide de Mme de Quimper-Karadec?


Pour cela, Paul-Emile Fourny a choisi une reprise de la mise en scène bien connue de Jérôme Savary créée à Francfort en 1978, et réalisée ici par Frédérique Lombart, qui sera reprise telle quelle à Massy fin janvier 2020. Comme toujours, le texte est légèrement adapté à l’actualité, et le public s’amuse de voir à la première scène les grévistes de la gare de l’Ouest remplacer les «employés» attendus.


Les décors de Michel Lebois ne s’embarrassent pas d’exactitude historique (on y voit l’opéra Garnier en toile de fond notamment) mais le quai de gare, les intérieurs bourgeois ornés de tableaux pompiers ou percés de grandes de baies vitrées, et l’habile utilisation des rideaux masquant les cabines du restaurant au dernier acte offrent un écrin pertinent aux bamboches des noceurs. Les costumes de Michel Dussarrat alternent fanfreluches, coiffes empanachées et improbables couvre-chefs: on retiendra le chapeau de Prosper en forme de plat accueillant un faisan rôti avec ses plumes. Mais bien sûr les culottes blanches à froufrous des danseuses dévoilant leurs chairs fraîches ne sont pas les moins attendues.


Tout est question de rythme chez Offenbach, et la rapidité avec laquelle les chanteurs-comédiens changent leurs costumes pour camper différents personnages participe à la fête. Une fête dont l’arrière-plan évoqué avec finesse laisse deviner des abîmes de dépravation, car le costume de l’amiral «craqué dans le dos» en dit long sur ce qui n’est pas dévoilé derrière les paravents.


L’œuvre demande un équilibre délicat entre chanteurs et comédiens. Il est atteint ici, grâce à certains membres du Chœur de l’Opéra-Théâtre qui entrent en jeu, et font la jonction vocalement entre comédiens qui chantent et solistes d’opéra. La plus grande voix est celle d’Irina Stopina qui, dans l’air de la lettre de Frascata, déploie un instrument puissant au timbre chaud; l’actrice n’est pas en reste et incarne une formidable Métella longiligne et distinguée, laissant elle aussi percer derrière la façade élégante de la demi-mondaine une vraie âme et ses affres.


La composition la plus impressionnante est celle du comédien Laurent Montel en Gondremarck: de haute stature, le crâne rasé et arborant un bouc, il joue avec tout son corps, danse habilement et offre au baron suédois un accent impayable (entre Gad Elmaleh et l’Apfelstrudel de Jacques Villeret), tout en chantant de façon très satisfaisante. Autour de lui, chez les hommes, Rémy Mathieu est un juvénile Bobinet au timbre délicat et à la projection limitée, Carl Ghazarossian incarne un Gardefeu d’excellente tenue vocale et au jeu charmant, Scott Emerson est un amusant Frick mais déçoit en Brésilien, son instrument manquant d’éclat. Eric Mathurin charme par son joli velours et amuse beaucoup notamment en réincarnation d’Offenbach, Jean-Marc Guerrero et Hervé Mathieu donnent de bonnes répliques à un Frédéric Longbois impayable dans un registre plus bouffon, entre majordome compassé, drag queen égarée, veuve de guerre pimbêche nous régalant de son gimmick «C’est moche!» et académicien gâteux, qui reste musical même en s’étouffant.


Capucine Daumas est une piquante gantière aux faux airs de Suzy Delair, malgré une gestion des registres difficile, Nina Savary incarne une servante joliment délurée avec son soprano ténu, Marie-Emeraude Alcime est une terrifiante Quimper-Karadec et Sylvie Bichebois nous offre une baronne de Gondremarck accordée au pastel de ses toilettes, mais à l’éclat encore enviable.


Quel luxe que la maison mosellane puisse compter sur un des derniers ballets à demeure de nos opéras régionaux pour nous offrir des cancans échevelés réglés par Nadège Maruta!


Claude Schnitzler enfin, qui connaît son Offenbach comme sa poche, s’amuse et nous amuse avec une direction fine et alerte, d’un contrôle absolu, qui préserve le difficile équilibre entre des voix de puissances différentes, et nous régale d’accelerandi magnifiques, jusqu’à un finale époustouflant qui n’en finit pas, où l’orchestre le salue en se remettant à jouer sans lui.


L’année commence donc bien en terre messine, et cela préfigure une fin de saison des plus prometteuses.



Philippe Manoli

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com