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Ce n’est qu’un au revoir Mons Arsonic 12/18/2019 - et 19 décembre 2019 Ludwig van Beethoven: Concerto pour piano n° 5, opus 73 (version Lachner)
Béla Bartók: Musique pour cordes, percussion et célesta, Sz. 106 Anne Van den Bossche (piano), Alessandro Cordaro (célesta), Alyssia Hondekijn (harpe), Katia Godard, Arthur Ros, Lucas Gilles, Hugo Delhaye (percussions)
Orchestre royal de chambre de Wallonie, Frank Braley (piano, direction)
(© Agence Jacques Thelen)
Le mandat de Frank Braley à l’Orchestre royal de chambre de Wallonie prend fin ce mois de décembre avec un double concert à l’Arsonic, salle située à Mons et où réside désormais cette formation. Il ne s’agit toutefois que d’un au revoir, le pianiste devant encore le diriger l’année prochaine lors des demi-finales du Concours Reine Elisabeth. Le programme distribué aux spectateurs comporte une rétrospective en photographies de cette collaboration qui a débuté en 2014, et les images témoignent de l’élan insufflé à l’orchestre par cette direction musicale. Cette formation honorable a su rester fidèle à ses fondamentaux, tout en s’ouvrant à d’autres genres, comme le jazz, avec Viktor Lazlo et Philip Catherine. Elle a aussi profité de la collaboration avec des solistes provenant d’horizons divers, comme Richard Galliano et Manu Comté, de musiciens renom – Anne Queffélec, Henri Demarquette, Gérard Caussé, par exemple – et de jeunes talents – Victor Julien-Laferrière, Romain Leleu, pour ne citer qu’eux.
Les musiciens se sont produits également à l’étranger, dans divers festivals en France, mais aussi en Pologne, en Turquie et dans les Emirats Arabes Unis, ainsi que dans des lieux plus inhabituels, comme le métro bruxellois ou le jardin zoologique Pairi Daiza. Une discographie à l’abandon et une trop grande discrétion dans les médias spécialisés apportent néanmoins un bémol à ces six années, mais il faut se réjouir que l’orchestre bénéficie désormais, à l’Arsonic, d’un vrai port d’attache, en partageant ce lieu avec d’autres artistes, dont l’Ensemble Musiques Nouvelles, qui y jouent dans le cadre de la programmation pluridisciplinaire de mars - mons arts de la scène. Installée dans une ancienne caserne de pompiers et inaugurée en 2015, cette intéressante salle rectangulaire et d’une jauge de deux cent cinquante places se présente sous la forme d’une scène centrale entourée de gradins de capacités différentes. L’acoustique y est excellente, probablement grâce à ces dimensions intimistes et à une heureuse combinaison de bois et de béton.
Durant cette collaboration, Frank Braley a interprété tous les Concertos pour piano de Beethoven, le dernier, l’Empereur (1809), clôturant la série. Comme le noyau de l’Orchestre royal de chambre de Wallonie comporte un nombre réduit d’instrumentistes, renforcé à l’occasion par d’autres musiciens, comme ce soir, l’exécution s’appuie sur une version arrangée pour orchestre à cordes de Vinzenz Lachner (1811-1893). Le pianiste, qui dirige du clavier, ne se départ décidément jamais de son allure décontractée, et il donne toujours l’impression qu’aucune partition ne peut lui résister. Son interprétation se révèle, sans la moindre surprise, techniquement solide – traits nets et limpides – et l’approche, tout à fait pertinente, sur la forme comme sur le fond.
Le mouvement lent, au phrasé articulé, captive un peu moins, mais les musiciens traduisent remarquablement le ton majestueux, voire conquérant, du premier mouvement, sans sonner trop massivement – la seule présence de cordes confère, évidemment, une certaine sveltesse à cette exécution, tandis que le concerto se conclut avec la fougue attendue. Le pianiste et l’orchestre restituent avec assurance l’énergie et l’impulsion de cette œuvre, et s’y montre également capable de profondeur et de nuance, dans une mise en place suffisamment précise. Cette prestation de qualité, jamais tiède ni franchement enthousiasmante, ne fait pas trop regretter l’absence des bois, des cuivres et des timbales.
La Musique pour cordes, percussion et célesta (1936) nécessite un long réaménagement du plateau, durant lequel Frank Braley, à l’invitation, manifestement préparée, de Laurent Fack, le directeur général, prend la parole pour éclairer le choix de ce programme, présenter ce chef-d’œuvre de Bartók, avec toute la force de conviction dont il est coutumier, et évoquer brièvement les quelques – fructueuses – années écoulées. Le pianiste-chef a eu le mérite de monter des pièces jugées complexes, comme celle-ci, exactement contemporaine du Double Concerto pour deux orchestres à cordes, piano et timbales de Martinů que l’orchestre a exécuté avec les Violons du Roy en novembre de l’année passée. L’exécution possède les mêmes qualités de précision et d’intensité que celle de l’œuvre bouleversante du compositeur tchèque, bien que le dialogue entre les cordes manque de raffinement et de finesse dans les passages les plus doux – la disposition symétrique en arc de cercle des pupitres de cordes permet toutefois d’apprécier les effets sonores, dans une acoustique idéale. Les musiciens traduisent la nature évocatrice des premier et troisième mouvements et impriment dans les deux autres une impulsion inflexible et une rythmique soutenue. En plus de reconnaître une fois de plus le très bon niveau des cordes et l’implication de chacun, il faut saluer, dans cette réjouissante seconde moitié de concert, l’excellente prestation des artistes invités au piano et aux percussions.
A compter de l’année prochaine, un autre pianiste, Vahan Mardirossian, prendra la succession de Frank Braley à la direction musicale de l’orchestre, mais il faudra patienter: le premier concert avec le nouveau chef se tiendra seulement le 23 octobre 2020 à l’Arsonic.
Le site de l’Orchestre royal de chambre de Wallonie
Le site de mars - mons arts de la scène
Sébastien Foucart
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