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La disparition

Vienna
Musikverein
11/29/2019 -  et 30 novembre, 1er*, 2 décembre 2019
Serge Rachmaninov: Etudes-Tableaux, opus 39: 2. Lento assai
Piotr Ilyitch Tchaïkovski: Concerto pour piano n° 1, opus 23
Béla Bartók: Concerto pour orchestre, Sz. 116

Denis Matsuev (piano)
Wiener Philharmoniker, Jakub Hrůsa (direction)


D. Matsuev (© Cami)


La matinée du Philharmonique, d’ordinaire déjà très cérémonielle, prit cette semaine une tournure de messe dominicale. Les musiciens entrèrent l’air grave sur scène, et par microphone interposé, nous informèrent que le chef Mariss Jansons, initialement au programme, venait de disparaître. Un frisson traversa le public, une pesante minute de silence s’abattit sur la goldener Saal, et Denis Matsuev s’avança vers le piano pour interpréter la Deuxième des Etudes-Tableaux de l’Opus 39 de Rachmaninov, Lento assai, en hommage au chef d’orchestre – en remplacement de l’ouverture Carnaval de Dvorák, inappropriée dans ce contexte.


Cette ambiance funèbre continue d’infiltrer le concerto pour piano de Tchaïkovski, qui prend une sombre et inhabituelle dimension élégiaque: le tempo est retenu, apportant aux charges du pianiste un poids dramatique supplémentaire; les crescendos sont inexorables plutôt que triomphants et rappellent les thèmes du fatum utilisés par le compositeur; les arpèges se transforment en fantaisie improvisatrice morbide. Le génie de Matsuev est d’avoir toujours à sa disposition une réserve – de dynamique, d’accélération, de phrasé – à tout moment disponible, et de savoir y puiser sans excès. Un autre, avec des moyens équivalents, donnerait dans le tape-à-l’œil; lui a tout simplement la musique chevillée aux doigts et délivre un maximum de charge expressive, sans chercher à impressionner. Le tempo du deuxième mouvement paraît initialement un peu inconfortable, mais se stabilise progressivement et semble dissoudre la musique, abstrayant les thèmes en flocons sonores. Le finale réserve des accélérations prodigieuses qui ne concèdent rien à la finesse de l’accentuation et l’abondance des dynamiques. On aurait pu imaginer un peu plus de clarté, un peu plus de vivacité de la part de l’orchestre, mais au fond les pupitres ne déméritent pas, suivant le soliste avec assiduité, et développant des timbres profonds.


Une fois le piano rangé, la seconde partie nous laisse en revanche plus sur notre faim: la musique de Bartók est bien restituée, les voix intermédiaires sont présentes, quitte à épaissir un peu le trait. Mais c’est un peu statique, les couleurs sont grisonnantes – en fait, cela manque de direction, de tranchant, et de choix personnels, soutirant de la partition l’humour et la danse qui devraient pourtant l’irriguer – en particulier dans le deuxième mouvement (Giuoco delle coppie) ainsi que le quatrième mouvement (Intermezzo interrotto), où les choix de tempo et de phrasés semblent exclure tout influence folklorique. Cela reste de bonne facture, mais ne permet pas de savoir avec certitude si l’orchestre aurait joué différemment cette œuvre sous la baguette d’un autre. Concédons que les concerts d’abonnement ne sont pas un terrain évident pour faire ses débuts et réussir à imposer sa personnalité.



Dimitri Finker

 

 

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