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Passage de témoin

Paris
Salle Gaveau
11/29/2019 -  
Antonio Vivaldi: Giustino, RV 717: «Vedrò con mio diletto» – Juditha triumphans, RV 644: «Armatae face et anguibus» et «Veni, veni me sequere fida» – Concerto pour basson en sol mineur, RV 495 – Nisi Dominus, RV 608: «Cum dederit» – Concerto pour luth en ré majeur, RV 93 – Farnace, RV 711: «Gelido in ogni vena» – Ottone in villa, RV 729: «Gelosia, tu già rendi l’alma mia» – Concerto pour violoncelle en sol mineur, RV 416 – L’Olimpiade, RV 725: «Mentre dormi, Amor fomenti» – La Griselda, RV 718: «Agitata da due venti»
Lea Desandre (mezzo-soprano)
Ensemble Jupiter, Thomas Dunford (luth et direction)


L. Desandre (© Ledroit-Perrin)


La salle Gaveau affichait complet ce soir pour ce concert parisien de l’Ensemble Jupiter, créé par le luthiste Thomas Dunford et quelques amis, dont sa compagne à la ville, la jeune mezzo Lea Desandre. L’effervescence médiatique consécutive à l’émergence sur la scène baroque d’un ensemble déjà plus que prometteur, la sortie fin octobre d’un disque dont le programme est quasiment identique à celui du concert donné ce soir (moyennant l’ajout d’un extrait d’Ottone in villa), la présence à la fois discrète et remarquée par tous de William Christie au premier rang d’une loge sur le côté gauche de la scène, la présence également de l’écrivain Erik Orsenna (auteur d’un bref propos dans la notice d’accompagnement du disque) qui fit une petite allocution avant que la musique ne reprenne ses droits... Bref, tous les éléments étaient requis pour faire de cette soirée un véritable petit événement!


Vivaldi donc.. La facilité de refaire le disque (vendu à la fin du concert avec séance dédicace à l’appui, ce qui occasionna d’ailleurs force embouteillages pour parvenir à s’extirper de la salle) aura permis à chacun, chanteuse et musiciens, de faire montre de ses talents avec, pour certains (on va y revenir), un aplomb digne déjà des plus grands. Toute de noir vêtue pour la première partie, arborant un pantalon rouge, des chaussures à talon et un haut blancs pour la seconde, Lea Desandre affirme d’ores et déjà une forte personnalité qui explose dans chaque extrait chanté ce soir. Tempérament de feu dans le premier extrait de Juditha triumphans, agilité vocale et technique éprouvée dans le célébrissime «Agitata da due venti» tiré de La Griselda, émotion à fleur de peau dans le superbe extrait de Farnace «Gelido in ogni vena» (la chanteuse essuyant même quelques véritables larmes au moment des applaudissements tant l’émotion que mit l’artiste dans cet extrait, que chacun aura pu ressentir, fut forte), Lea Desandre s’inscrit dans la droite ligne de ses célèbres devancières dans ce répertoire que sont Cecilia Bartoli et Vivica Genaux, entre autres. La pureté de sa déclamation, l’attention portée au moindre mot font merveille dans le monde opératique de Vivaldi mais nous auront un peu moins convaincu dans le lugubre extrait du Nisi Dominus, le magnifique «Cum dederit», qui manqua à notre sens de profondeur en raison, peut-être d’un léger déséquilibre entre la voix et les instruments.


Car il en faut du tempérament, à Lea Desandre, pour tenir tête à des personnalités au caractère aussi trempé que peuvent être Jean Rondeau au clavecin ou Théotime Langlois de Swarte au violon! Car, c’est bien ce dernier qui aura été, du strict point de vue instrumental, la vedette de cette soirée. Nous l’avions déjà souligné lors d’un concert donné dans le cadre du Festival baroque de Sablé-sur-Sarthe (voir ici) mais le charisme du jeune violoniste explose sur scène. C’est lui qui relance l’ensemble, c’est lui qui, de son premier violon, soutient en premier lieu la chanteuse, c’est lui qu’on remarque le plus dans ses ornementations et dans la facilité du jeu. Membre des Arts Florissants, co-fondateur de l’ensemble Le Consort, ses talents sont multiples au point de jouer la partie instrumentale soliste de l’air «Veni, veni me sequere fida» de Juditha triumphans en lieu et place du chalumeau habituellement requis: pourquoi ce changement d’ailleurs? On n’en saura rien mais dommage, en tout cas, de ne pas avoir convié Roberta Cristini pour tenir, comme dans le disque, la partie de cet instrument dont la chaleur du timbre n’a pas pu être remplacée par le violon néanmoins ô combien agile de Théotime Langlois de Swarte. Si Jean Rondeau n’a pas été en mesure, au regard des partitions choisies, d’affirmer pleinement son jeu à la fois sûr et imaginatif, on n’en dira pas autant des solistes des trois concertos qui s’intercalèrent au milieu des extraits chantés. Après que le basson de Peter Whelan a fait montre d’une agilité et d’une imagination dans le jeu dignes d’intérêt, on aura regretté le luth trop timide de Thomas Dunford, concurrencé sur son propre terrain (le second Allegro) par le clavecin et les cordes en dépit d’un Largo de toute beauté qui illumina ce concerto. Mais c’est sans doute la prestation de Bruno Philippe qui restera gravé dans nos mémoires. Agé de vingt-cinq ans à peine, le violoncelliste nous offrit une interprétation d’anthologie du Concerto RV 416: si le premier Allegro impressionna par sa facilité et l’appui sur les basses généreuses de l’instrument, le second Allegro, après un Adagio où le dialogue avec le seul luth fut d’une indicible finesse, témoigna d’une fougue et d’une technique à toute épreuve: assurément, un soliste à suivre avec la plus grande attention qui, d’ores et déjà, affiche une solidité admirable.


Ovationnés par la salle, Lea Desandre et Thomas Dunford rendirent chacun hommage à Erik Orsenna et William Christie pour leur soutien et leur amitié, le chef franco-américain ayant joué à la fois le rôle de professeur et de Pygmalion pour l’ensemble qui se réclame de son art et de son esprit de découverte. William Christie qui fut d’ailleurs invité à rejoindre l’ensemble sur scène pour deux bis: un arrangement de l’air célèbre «Forêts paisibles» tiré de la dernière entrée des Indes galantes de Rameau et une chanson baroco-jazzy composée par Thomas Dunford et ses comparses en fin de soirée, comme il l’avoua lui-même. Espérons que cette chanson de leur cru suivra le chemin des meilleurs Bordeaux et Bourgogne et se bonifiera en vieillissant: souhaitons donc, tout simplement, la meilleure continuation possible à l’Ensemble Jupiter, que nous espérons retrouver à Paris ou ailleurs dans les plus brefs délais!


Le site de Lea Desandre
Le site de l’Ensemble Jupiter



Sébastien Gauthier

 

 

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