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Vitrine française

Strasbourg
Palais de la Musique
11/14/2019 -  et 15* (Strasbourg), 17 (Essen), 18 (Frankfurt), 19 (Düsseldorf), 20 (Hamburg) novembre 2019
Georges Bizet : Carmen: Suite n° 1
George Gershwin: Rhapsody in Blue
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé, Suite pour orchestre n° 2 – Pavane pour une infante défunte – Boléro

Francesco Tristano (piano)
Orchestre philharmonique de Strasbourg, Marko Letonja (direction)


(© Nicolas Rosès)


A 38 ans à peine (âge que son allure juvénile et dégingandée ne trahit pas du tout), le pianiste luxembourgeois Francesco Tristano (antérieurement Francesco Tristano Schlimé, identité raccourcie depuis) peut déjà se targuer d’une belle notoriété, acquise essentiellement en empruntant des chemins de traverse entre musique classique et musiques actuelles plus jazzy, électro, pop... (on avoue que dans ce domaine, les subtilités de la taxonomie nous échappent un peu). En parcourant son abondante discographie, on trouve de tout, depuis des alliages intéressants entre compositions originales et grand répertoire (Bach et John Cage par exemple, ou encore chez DG le remuant «Scandale» à quatre mains avec Alice Sara Ott (du Francesco Tristano pour commencer, mais en prélude à Stravinsky, Rimsky et Ravel), jusqu’à des options franchement discutables (des Variations Goldberg au marteau-piqueur à puissance de percussion variable...) ou encore de nombreux programmes de musiques plus improvisées qui laissent relativement indifférent: délayages swing de cadences debussystes, piano retravaillé par un peu d’électronique résonante, du travail soigné mais dont la finalité ne nous paraît guère dépasser la sonorisation des halls d’hôtel ou l’écoute distraite en musique de fond. Affaire de sensibilité personnelle, sans doute. En tout cas, assurément un personnage capable d’ouvrir le champ classique à d’autres influences, et surtout d’autres publics.


Pour ce programme très «vendeur», donné deux fois à Strasbourg devant une salle bien remplie, et ensuite présenté en tournée dans quatre villes allemandes (Essen, Francfort, Düsseldorf et Hambourg), la présence de ce pianiste médiatisé paraît un bonus commercialement appréciable. Mais pas seulement, car dans la Rhapsody in Blue de Gershwin, les propositions de Francesco Tristano sont séduisantes, du moins dans les passages solistes, qui lui laissent davantage de liberté. Une belle tentative de conciliation entre souplesse rythmique et respect du texte écrit, même si ce swing impalpable paraît plus facile à réveiller en solo que lorsqu’il faut travailler simultanément avec un orchestre fourni et forcément plus raide. Un piano au demeurant assez discret, de temps à autre couvert par les tutti et pas toujours impeccable techniquement, mais peu importe, car il se passe toujours quelque chose d’intéressant, même si évidemment les affinités de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg avec le blues paraissent davantage acquises que congénitales. En bis, une improvisation du pianiste, qui groove gentiment pendant quelques minutes, mais sans paraître passionner ni le public ni l’orchestre.


Pour le reste, un programme de musique typique d’un orchestre français en tournée à l’étranger, ce qui ne veut en rien dire qu’il agisse de pièces faciles, du moins à exécuter. Ici on apprécie le goût très sûr et le raffinement d’allure de la Première Suite de Carmen de Bizet, agréablement dépourvue de clinquant. Dommage toutefois que dans l’Intermezzo, la flûte de Sandrine François ne se départisse jamais d’une certaine réserve, le célèbre solo de la Seconde Suite de Daphnis et Chloé paraissant mieux lui convenir. Mais là il est de toute façon difficile de résister à l’énergie de Marko Letonja, qui fait monter perceptiblement la température, jusqu’à une Bacchanale parfaitement rodée voire solaire. Exécution sans les parties chorales, ce qui permet d’ailleurs de constater avec quelle habileté Ravel parvient à rendre virtuellement présentes ces voix manquantes, grâce à de subtils subterfuges d’orchestration. Juste après ce climax, faire redégringoler tout le monde dans l’univers feutré de la Pavane pour une infante défunte n’est pas facile, avec malheureusement quelques flottements dans l’exposé du thème. Peut-être cette pièce intime aurait-elle été d’un abord moins dangereux avant Daphnis que juste après. Impeccable Boléro pour terminer, où tous les pupitres s’acquittent de leur solos successifs avec beaucoup d’aplomb. Là on apprécie vraiment la poigne de Marko Letonja, capable de retenir superbement les progressions, en ne lâchant jamais la bride. Largement de quoi assurer à l’Orchestre philharmonique de Strasbourg de très beaux succès, voire quelques standing ovations, au cours de sa tournée.



Laurent Barthel

 

 

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