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Manon, perdue corps et biens.

Toulouse
Théâtre du Capitole
11/23/2001 -  et 25, 27, 28, 30 novembre, 1, 2, 4 décembre 2001
Jules Massenet : Manon
Leontina Vaduva (Manon), Giuseppe Sabbatini (le Chevalier des Grieux), Didier Henry (Lescaut), Alain Vernhes (le Comte des Grieux), Charles Burles (Guillot de Morfontaine), Philippe Fourcade (Brétigny), Hélène Le Corre (Poussette), Muriel Tomao (Javotte), Marie-Belle Santis (Rosette).
Nicolas Joël (mise en scène)
Choeurs et orchestre du Capitole de Toulouse, Patrick Fournillier (direction).



Il est certaines chroniques que l'on eût vivement souhaité ne point écrire. Surtout lorsque l'on se transforme malgré soi en un virulent Beckmesser, relevant les innombrables fautes de goût de ce qui fut un enterrement de première classe. Naufrage, ratage, sabordage. Les substantifs, malheureusement, ne manquent pas pour qualifier cette Manon miteuse échouée à Toulouse. Et pourtant, notre beau théâtre aime accueillir les opéras français, et notamment ceux du maître stéphanois.


Jadis, l'on goûta aux sortilèges d'une Thaïs, aux exploits du Chevalier à la Triste Figure (Don Quichotte), l'on souffrit avec Werther. Et quelle merveille que Cendrillon, chef d'oeuvre de poésie, avec une instrumentation irréelle, mendelssohnienne, pré-straussienne (les duos féminins soprano/mezzo !) ; proche, parfois du Béatrice et Bénédict de Berlioz. C'est dire l'attachement indéfectible qui nous unit au compositeur d'Esclarmonde ou de Visions (eh oui, il a également écrit un fabuleux poème symphonique en 1891) ; et la peine sincère, amère, qui s'empare du massenétien " inwerthéré ", suppôt des oeuvres précitées, à qui incombe le délicat travail de compte-rendu. Dure nécessité !


Hélas, trois fois hélas. N'étaient les superbes toiles peintes en fond de scène, et les décors raffinés de Frigerio à la Watteau ; ainsi qu'au pupitre, un spécialiste du sujet, Patrick Fournillier - qui a ressuscité Cléopâtre, Amadis et autres raretés. L'on s'ennuierait ferme en attendant l'instant de la délivrance : la mise en scène est plate, il ne se passe strictement rien. En fait d'Opéra-Comique (livret inepte, dialogues parlés archidatés), on assiste plutôt à une opérette dramatique améliorée, agrémentée d'un salmigondis de répliques indigentes qui feraient passer celles des Feux de l'Amour pour du Corneille. Seule, la scène finale apporte enfin un semblant de commencement d'émotion : la mort de l'héroïne dans une lande désolée.


Comment croire à ces fantoches grotesques, à leurs amourettes et petits états d'âme, qui s'agitent sur la scène pendant près de trois heures ? Manon est une coquette vulgaire, nymphomane ; Des Grieux une nullité magnifique qui ne sait pas ce qu'il veut. Le cousin Lescaut, une brute stupide, Guillot de Morfontaine un vieux barbon balourd. Plus trois petites gourgandines nunuches : Javotte, Poussette et Rosette, têtes à claques insignifiantes. Peut-être que David Lynch, s'il vient un jour à la mise en scène opératique en pratiquant le troisième degré, dépoussiérera-t-il de fond en comble cet Opéra-Comique.


Si les personnages sont pâlots, la distribution vocale, à leur image, est également très problématique ; hormis la basse noble, stylée, épousant admirablement la prosodie française d'Alain Vernhes - déjà splendide Lothario la saison passée dans Mignon. Le seul à conférer, trop brièvement, quelque dignité et élégance à la représentation ; et ce, en dépit de la valeur discutable au plan musical de l'air "Epouse quelque brave fille".


Empêtré dans une langue qui manifestement l'éprouve, le tenorino Sabbatini, au timbre nasillard - malgré de beaux moments, dont le rêve de Des Grieux au deuxième acte, mais acteur médiocre - n'a pas le profil idéal du bouillant et fringant Chevalier. Reste le rôle-titre. Remplaçant Inva Mula souffrante, initialement prévue, Leontina Vaduva retrouve Manon, qu'elle avait chantée avec Michel Plasson en 1987. Chère Leontina, Toulouse est une cité chère à votre coeur. Votre Juliette d'anthologie en 1994 restera dans les annales de l'art lyrique ; et vous avez incarné une Mimi si miraculeuse de musicalité ! Où dort donc, enfoui, ce timbre melliflue, lumineux, gracile, qui rappelait celui de votre illustre compatriote : Ileana Cotrubas. Aurait-il fui loin de nous ?


Ce ne fut qu'une succession de cris et de hurlements ; avec un aigu douloureux, arraché, émis au prix d'efforts inhumains (le contre-ré bémol, à la fin de "Je marche sur tous les chemins" !). Parions sur une méforme somme toute passagère, car une prise de rôle vous attend, la Tatiana d'Eugène Onéguine. Ce mauvais rêve est à oublier. Et pour faire écho à Anne Massenet, proche parente du musicien, dans son ouvrage récent, on souhaite que Nicolas Joël redonne sa chance au Mage, malheureusement tombé après une cabale en 1891 - partition semble-t-il très originale. Ou qu'il nous offre le Jongleur de Notre-Dame, peut-être l'apogée de Massenet..





Etienne Müller

 

 

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