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Deux forces qui vont Paris Philharmonie 11/04/2019 - et 31 octobre, 1er, 2 (Roma), 7 (Genève), 9 (Luzern) novembre 2019 Carl Maria von Weber: Euryanthe, opus 81, J. 291: Ouverture
Franz Liszt: Concerto pour piano n° 1
Robert Schumann: Symphonie n° 2, opus 61 Martha Argerich (piano)
Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Antonio Pappano (direction)
A. Pappano (© Musacchio & Ianniello/EMI Classics)
Antonio Pappano est devenu l’un des partenaires privilégiés de Martha Argerich. A écouter le Premier Concerto de Liszt à la Philharmonie, on s’en réjouit. Belle entente pour une interprétation flamboyante, volcanique parfois: deux forces qui vont. Si le piano, au début, a certes un rien perdu de sa superbe, les doigts retrouvent vite leur stupéfiante agilité, avec ces trilles, ces trémolos, ces octaves dont on connaît l’insolence. Mais la virtuosité, loin de tourner à vide, reste au service d’une imagination et d’une gamme de couleurs qui semblent inépuisables. Interprétation à la fois héroïque et attendrie: la cantilène du Quasi adagio, au rubato capiteux, est du pur bel canto, l’Allegretto vivace – triangle devant l’orchestre – ressemble à une Ronde de lutins facétieuse, l’Allegro marziale animato explose dans sa jubilation conquérante. Donnée en bis, la première des Scènes d’enfants de Schumann suspend ensuite le temps grâce à la magie du toucher.
L’Ouverture d’Euryanthe, en début de concert, n’aura pas été simple hors-d’œuvre: Pappano y jette toutes les forces d’un orchestre dont on goûte aussitôt l’homogénéité des pupitres, notamment des cordes, pour une lecture à la narrativité euphorique. Cette euphorie illumine la seconde partie du concert, à travers une Deuxième Symphonie de Schumann gorgée de couleurs, très cursive, qui file droit, ici ou là trop impérieuse peut-être – alors que son lyrisme débordant la rapprocherait de l’opéra de Verdi. Ainsi, après un Allegro maestoso fermement structuré, dont le développement chante, puis un Scherzo d’une irrésistible énergie, le Largo, d’où toute ombre est chassée, manque un peu de mystère. La densité de la pâte sonore peut aussi y devenir épaisseur, également perceptible dans les mouvements extrêmes – parfois le talon d’Achille de la baguette, notamment à l’opéra. Mais l’ensemble reste de haute volée, avec un orchestre remarquablement tenu. Et Pappano n’a plus à prouver qu’il n’est pas seulement un chef de fosse.
Le moelleux des cordes va comme un gant à la sensualité de l’Italiana, tirée de la Troisième Suite d’Airs et danses antiques. Un éblouissant galop final de la « Danse des heures » de La Gioconda de Ponchielli, aux airs de Johann Strauss, convoque enfin tous les musiciens – on l’aimerait néanmoins un rien plus léger.
Didier van Moere
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