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Un Don Carlo très inégal

Paris
Opéra Bastille
10/25/2019 -  et 28*, 31 octobre, 4, 7, 11, 14, 17, 20, 23 novembre 2019
Giuseppe Verdi : Don Carlo
René Pape (Filippo II), Roberto Alagna*/Michael Fabiano (Don Carlo), Etienne Dupuis (Rodrigo), Vitalij Kowaljow (Il grande inquisitore), Sava Vemic (Un frate), Aleksandra Kurzak*/Nicole Car (Elisabetta DI Valois), Anita Rachvelishvili (La principessa Eboli), Eve-Maud Hubeaux (Tebaldo), Tamara Banjesevic (La voce dal Cielo), Julien Dran (Il conte di Lerma), Pietro Di Bianco, Daniel Giulianini, Mateusz Hoedt, Tomasz Kumięga, Tiago Matos, Alexander York (Deputati fiamminghi), Vincent Morell (Un araldo reale)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, José Luis Basso (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Fabio Luisi (direction musicale)
Krzysztof Warlikowski (mise en scène), Malgorzata Szczęsniak (décors et costumes), Felice Ross (lumières), Denis Guéguin (vidéo), Claude Bardouil (chorégraphie), Christian Longchamp (dramaturgie)


R. Pape (© Vincent Pontet/Opéra national de Paris)


Autant se justifiait la reprise de la Madame Butterfly de Bob Wilson, autant ne s’imposait en rien celle du Don Carlos de Krzysztof Warlikowski – même si l’on a préféré à la version française intégrale celle de Modène, en cinq actes mais sans le premier tableau du troisième, ce qui le rend assez peu cohérent. Des changements de détail ne rendent pas plus inspiré un spectacle où le Polonais ne se reconnaît guère. Il ne sait visiblement pas quoi faire du grand opéra verdien, notamment de l’autodafé, abandonne les chanteurs à eux-mêmes, certes toujours plus à l’aise lorsque le drame s’embourgeoise et devient crise conjugale, Philippe II noyant sa faillite affective et sexuelle dans l’alcool et une liaison ennuyée avec la princesse Eboli. Que la vidéo nous montre Saturne dévorant ses enfants, que tout s’achève par le suicide d’Elisabeth, que Carlos lui-même rate le sien et revoie sa propre tragédie, tout cela ne convainc pas davantage et cette production où l’Espagne de Philippe II ressemble plutôt à celle de Franco, où les touristes visitent l’Escurial, laisse aussi sceptique qu’ en 2017.


Comptait-on sur les prestiges de la distribution? L’Opéra n’a pas toujours eu la main très heureuse. Certes, Roberto Alagna, qui n’était pas allé jusqu’au bout de la première, assure cette fois toute la soirée. Assez frileux au début, escamotant ses aigus, il prend peu à peu ses marques, devient l’Infant velléitaire et tourmenté, plus intériorisé, plus sombre que dans la fameuse production du Châtelet en 1996, avec une voix évidemment moins solaire et moins juvénile. Annoncé malade avant le quatrième acte, René Pape fait pourtant un superbe monarque, colosse aux pieds d’argile, icône de l’échec, dont le monologue constitue peut-être le moment le plus fort de la soirée – même si le grave ne montre pas la profondeur souhaitée. Le duo avec l’Inquisiteur, ici plutôt chef de la police politique, a ensuite de l’allure, mais les timbres ne sont pas assez différenciés et Vitalij Kowaljow, qui n’a pas les graves abyssaux du vieux moine aveugle, n’inspire pas la terreur. A Etienne Dupuis, belle voix et chant probe, font malgré tout défaut le rayonnement de l’utopiste généreux et, au moment de la mort, le galbe du grand cantabile verdien. Mais la plus grande déception vient des dames, en principe deux falcon, avec médium et grave de mezzo pour Elisabeth, aigu de soprano pour Eboli: ce n’est le cas ni de l’une ni de l’autre. Bien accordée à la tessiture de Desdémone, Aleksandra Kurzak n’a pas celle d’Elisabeth: seul l’aigu rayonne, avec de superbes pianissimi, et elle doit un peu forcer ses moyens au dernier acte – lui manque aussi port de reine. Anita Rachvelishvili, qu’on a pu tant aimer ailleurs, réserve quant à elle une très mauvaise surprise, par la distorsion des registres, aux notes graves outrageusement poitrinées, aux notes hautes plus laborieuses que dardées, qui renvoient à une mauvaise tradition de vulgarité débraillée dès une Chanson du voile d’une lourdeur caricaturale. Chœur moyen, dont les sopranos chantent trop bas dans l’aigu. On est assez loin de la distribution de 2017. Le public, en tout cas, fait fête à tout le monde.


A la différence de Philippe Jordan, Fabio Luisi est à la fois un chef de théâtre et un chef verdien. Les alliages de timbre, les courbes de la phrase n’ont pas de secret pour lui, qui obtient des musiciens une magnifique pâte sonore – on se régale des introductions du troisième et du quatrième acte. Le théâtre, pourtant, ne vient qu’à partir du troisième, comme s’il voulait, au début, d’abord ménager les chanteurs.



Didier van Moere

 

 

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