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La Madame Butterfly de Bob Wilson défie le temps Paris Opéra Bastille 09/14/2019 - et 19 septembre, 9, 12, 19*, 26, 29, 30 octobre, 1er, 2, 5, 6, 8, 9, 13 novembre 2019 Giacomo Puccini : Madama Butterfly Ana Maria Martinez*/Dinara Alieva (Cio-Cio San), Eve‑Maud Hubeaux*/Marie‑Nicole Lemieux (Suzuki), Giorgio Berrugi*/Dmytro Popov (B.F. Pinkerton), Laurent Naouri (Sharpless), Rodolphe Briand (Goro), Tiomasz Kumięga (Il principe Yamadori), Jeanne Ireland (Kate Pinkerton), Robert Pomakov (Lo zio bonzo), Jian-Hong Zhao (Yakuside), Chae‑Wook Lim (Il commissario imperiale), Hyoung‑Min Oh (L’ufficiale del registro), Laura Agnoloni (La madre di Cio-Cio San), Carole Colineau (La zia), Sylvie Delaunay (La cugina)
Chœurs de l’Orchestre national de l’Opéra de Paris, Alessandro Di Stefano (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Giacomo Sagripanti (direction musicale)
Robert Wilson (mise en scène, décors, lumières), Frida Parmeggiani (costumes), Heinrich Brunke (lumières), Suzushi Hanayagi (chorégraphie), Holm Keller (dramaturgie)
A. M. Martínez, G. Berrugi (© Svetlana Loboff/Opéra national de Paris)
La Traviata revue par Simon Stone, Les Indes galantes revues par Clément Cogitore risquent d’être vite oubliées. La Madame Butterfly de Bob Wilson restera. Plus de vingt-cinq ans après, elle fascine toujours. La magie des lumières opère comme au premier jour – elles n’accompagnent pas le drame, elles le racontent. Loin de tout pittoresque, le japonisme y est épuré, quintessencié à travers le décor et la gestuelle, qu’il apparie parfaitement à un espace presque nu – direction d’acteurs au cordeau. Rien de vériste ici, rien de froid on plus, si l’on regarde bien : les personnages vivent, souffrent. La fin de Butterfly, papillon mourant à travers un dernier mouvement d’ailes, ne peut laisser indifférent. Une des meilleures productions du Texan, esthétisante mais habitée.
Après une entrée incertaine, Ana María Martínez révèle une voix à la chair ronde, à l’aigu lumineux, plus modeste dans le médium. Une ligne fuselée et colorée, toujours préservée par la sobriété de l’expression, fait d’elle une très belle Cio-Cio San, qui s’achemine progressivement vers son sacrifice : la soprano portoricaine construit son personnage. Giorgio Berrugi est le ténor italien au timbre brillant, à l’aigu conquérant, au phrasé élégant aussi, qu’il faut au lieutenant volage, trop tard pris de remords. Même s’il s’accorde peu, par la voix et le style, au répertoire italien, Laurent Naouri s’impose grâce à la subtilité de son Sharpless, plein d’empathie pour le papillon brisé. Excellents seconds rôles, avec la Suzuki généreuse d’Eve-Marie Hubeaux, le Goro détestable de Rodolphe Briand et le Yamadori transi de Tomasz Kumięga.
A l’unisson de Wilson, Giacomo Sagripanti refuse les épanchements douteux, privilégie la clarté et la ductilité, quitte à manquer un peu de sensualité pour le duo d’amour. Il offre de beaux moments de poésie et de lyrisme à la fin du deuxième acte et au début du troisième : un Puccini sans graisse ni poussière, auquel l’orchestre adhère pleinement. Que le meilleur spectacle du début de saison soit, à l’Opéra, une production trentenaire, laisse plutôt songeur.
Didier van Moere
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