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Amour, souffrance et mort Vienna Konzerthaus 10/02/2019 - Benjamin Britten: Purcell Realizations: If music be the food of love, Z 379a, A morning hymn, Z 198, Job’s curse, Z 191, & Alleluia, Z S14 – Songs and Proverbs of William Blake, opus 74
Johannes Brahms: Lieder und Romanzen, opus 14: 8. «Sehnsucht», 1. «Vor dem Fenster», & 2. «Vom verwundeten Knaben» – Lieder, opus 48: 1. «Der Gang zum Liebchen», 2. «Der Uberläufer» & 6. «Vergangen ist mir Glück und Heil» – Lieder, opus 96: 4. «Meerfahrt» – Gesänge, opus 7: «Anklänge» –Gesänge, opus 72: 4. «Verzagen» – Lieder, opus 86: 4. «Uber die Heide hallet» & 6. «Todessehnen» – Gedichte, opus 19: 5. «An eine Aolsharfe» – Lieder, opus 46: 1. «Die Kränze»
Modeste Moussorgski: Chants et danses de la mort Christian Gerhaher (baryton), Gerold Huber (piano)
G. Huber, C. Gerhaher
Assister à ce récital donné par Christian Gerhaher procure simultanément le bonheur de la miniature avec l’extase du grandiose: d’un côté, des syllabes impeccablement articulées, qu’elles soient en anglais, russe ou allemand, et des entours de phrasés parfaitement ciselés; de l’autre une architecture vigoureuses, et une recherche de sens qui surpasse le texte et la musique. C’est un peu comme apprécier l’arrangement d’un bonsaï, dont la délicatesse des détails contraints par la main du jardinier parvient à évoquer avec justesse le monumental de la nature. La sélection de pièces de Benjamin Britten extraites de l’«Orpheus Britannicus» et de l’«Harmonia Sacra» le démontre avec éclat: en quelques mesures, «A morning Hymn» commence par une attaque désincarnée, puis la voix monte et déclame – avant de repasser en semi-parlé. Cette débauche stylistique ne verse pourtant jamais dans une expression factice ou apprêtée.
Les lieder de Brahms qui suivent, épousent avec aplomb la composante populaire de ces textes signés de mains anonymes; il suffit d’écouter, dans «Vom verwundeten Knaben», les finales de chaque distique, énoncées avec une simplicité enfantine qui en dissimule la science.
Les deux recueils suivants forment le centre de gravité du récital: les «Chants et danses de la mort» de Moussorgski prennent une tournure opératique, souvent plus dramatique que terrifiante, qui découvrent les registres graves du baryton et aiguillonnent l’accompagnement au piano de Gerold Huber. Le cycle Songs and Proverbs de William Blake par Britten trouve quant à lui le ton juste, alliant une liberté dans l’expression qui rend chaque pièce distinctement moderne sans perturber le fil conducteur sous-jacent à l’entièreté du cycle.
Le retour à Brahms s’établit dans une sélection de lieder fort différente de la première partie, recélant cette fois une composante expressive et lyrique beaucoup plus complexe. C’est aussi le point culminant musical du récital, les interprètes révélant une spontanéité inouïe: sans un regard jeté à la partition, Gerhaher déclame la musique comme s’il en était le compositeur, et parvient à susciter dans le public un maelström d’émotions.
Dimitri Finker
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