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Un Macbeth d’outre-monde

Bruxelles
La Monnaie
09/20/2019 -  et 22, 24, 26, 29* septembre, 1er, 3, 5 octobre 2019
Pascal Dusapin: Macbeth Underworld (création)
Magdalena Kozená*/Sophie Marilley (Lady Macbeth), Georg Nigl (Macbeth), Ekaterina Lekhina, Lilly Jorstad, Christel Loetzsch (Three Weird Sisters), Kristinn Sigmundsson (Ghost), Graham Clark (Porter, Hecat), Elyne Maillard*/Naomi Tapiola (Child)
Chœur de femmes de la Monnaie, Alberto Moro (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)
Thomas Jolly (mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Antoine Travert (lumières), Sylvette Dequest (costumes)


(© Baus)


Du neuf à la Monnaie: la saison débute simultanément avec deux créations, un opéra d’un jeune compositeur, Benjamin Attahir (né en 1989), Le Silence des ombres, du 25 septembre au 6 octobre, au Théâtre royal flamand, et un autre de Pascal Dusapin (né en 1955), Macbeth Underworld, en coproduction avec l’Opéra-Comique et l’Opéra de Rouen, quatre ans après Penthesilea.


Le livret en anglais de Frédéric Boyer examine la tragédie de Shakespeare sous un autre angle. Le couple infernal revient des ténèbres pour revivre le massacre et subir à nouveau ses conséquences, dans une sorte de cérémonie funèbre et gothique orchestrée par le portier, maître de cérémonie grimé en clown. Le librettiste respecte cependant la trame de la pièce dans les grandes lignes, tandis que les décors restituent son atmosphère nocturne et oppressante: accessible à un assez large public, ce spectacle ne perturbe pas trop nos repères. La comparaison avec le Macbeth verdien s’impose toutefois, inévitablement: cette adaptation comporte moins de personnages, l’action paraît plus floue et onirique, le roi semble clairement atteint de folie et la reine montre un visage assez différent de celui de la Lady Macbeth, dominatrice et manipulatrice, de Verdi.


Cet ouvrage d’un peu moins de deux heures et subdivisé en huit chapitres sollicite un grand orchestre, quelques musiciens de scène, dont un archiluth, ce qui est plutôt inhabituel, et un chœur de femmes. Compacte, drue, percutante, la musique de Dusapin épouse le drame au plus près, dans un langage, il est vrai, exigeant mais abordable et qui accorde une vraie place au chant. Bien que fort élaborée, comme d’habitude avec ce compositeur, l’orchestration ne présente pas d’originalité particulière, excepté les couleurs légères et raffinées produites par les musiciens de scène et évoquant la musique élisabéthaine. En termes d’imagination et de métier, cette composition dépasse, et de loin, celle conçue pour la précédente création à la Monnaie.


Cette production tire aussi une grande partie de son intérêt de la direction d’acteur, absolument impeccable, et comporte de nombreuses et belles idées de mise en scène, en particulier à la fin, dans un climax saisissant, lorsque Macbeth se perd dans une forêt aux arbres enchevêtrés – celle de Birnam. Voilà qui incite à retenir le nom du metteur en scène, Thomas Jolly, qui intègre avec cohérence et fluidité les différents éléments de la scénographie, en phase avec la musique et avec une excellente maîtrise du temps et de l’espace. Sous de superbes couleurs nocturnes, le décor pivote et se déplace constamment, mais il grince beaucoup et semble donner du fil à retordre à la régie. Un incident ne manque d’ailleurs pas de se produire: la représentation doit s’interrompre plusieurs minutes en plein milieu suite à un problème qui nécessite l’intervention sur scène d’un technicien pour imposer avec sang-froid aux interprètes et au chef de cesser de jouer. Cette interruption malheureuse nous désole, compte tenu de la sombre beauté de ce dispositif, mais elle rappelle que l’opéra est un art vivant, avec tous les risques et les imprévus que cela comporte.


Pour la création de son œuvre, Pascal Dusapin peut compter sur la direction très compétente d’Alain Altinoglu, à la tête d’un orchestre ferme et précis. Et le compositeur retrouve aussi un interprète majeur, familier de longue date avec sa musique, Georg Nigl: ce chanteur épatant, à la tessiture étonnamment large, se double d’un acteur formidable. Le baryton s’investit à nouveau totalement et suscite une fois de plus l’admiration par sa capacité à plier sa voix à la psychologie torturée et névrosée de son personnage. Méconnaissable, Magdalena Kozená livre une composition pleinement convaincante en Lady Macbeth, grâce à l’intensité et à la justesse de son incarnation, mais aussi à sa technique, la voix demeurant belle et audible, malgré la puissance du flux orchestral. Il faut saluer aussi la saisissante prestation de Kristinn Sigmundsson en spectre poignardé et maculé de sang, le formidable jeu d’acteur d’un véritable ténor de caractère, Graham Clark, en portier et l’assurance de la jeune Elyne Maillard, qui incarne avec une belle présence un enfant – celui de Banquo ou du couple, l’interprétation reste ouverte. Ekaterina Lekhina, Lilly Jorstad et Christel Loetzsch campent, quant à elles, un trio de sœurs étranges harmonieux et bien caractérisé. De conception peu audacieuse mais pensée dans les détails, ce Macbeth Underworld se révèle digne de Shakespeare.


Le site de la Monnaie



Sébastien Foucart

 

 

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