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Déferlement sonore sur Lucerne

Lucerne
Centre de la culture et des congrès
08/22/2019 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour violon en ré majeur, op. 61
Dmitri Chostakovitch : Symphonie n° 4 en ut mineur, op. 43

Leonidas Kavakos (violon)
Lucerne Festival Orchestra, Yannick Nézet-Séguin (direction)


(© Peter Fischli/Lucerne Festival)


L’édition 2019 du Festival de Lucerne s’est ouverte le 16 août ; elle se terminera le 15 septembre, après un mois de concerts symphoniques donnés par les orchestres les plus prestigieux et les chefs les plus réputés, sans compter les récitals de musique de chambre. La thématique de cette année est le pouvoir, un sujet suffisamment large et général pour englober un grand nombre de partitions. L’« artiste étoile » est le violoniste grec Leonidas Kavakos et le compositeur en résidence le Suisse Thomas Kessler. Les points forts de la manifestation sont les concerts de l’Orchestre du Festival sous la baguette de son directeur artistique, Riccardo Chailly, le cycle Beethoven du pianiste Igor Levit et le cycle Mozart/Da Ponte du chef Teodor Currentzis, qui proposera également un concert d’airs de Mozart avec Cecilia Bartoli, une rencontre qui promet des étincelles. Tout va pour le mieux à Lucerne, serait-on tenté de croire. Pas tout à fait. Ce printemps, une annonce a secoué le monde musical helvétique. Si le Festival d’été de Lucerne est connu loin à la ronde, moins nombreux sont les mélomanes qui savent que la vénérable manifestation se décline aussi en un Festival de Pâques et un Festival de piano en novembre, tous les deux d’une durée d’une semaine. Or le responsable, Michael Haefliger, a annoncé la suppression de ces deux derniers événements dès l’année prochaine. Des mesures d’économies seraient à l’origine de cette décision. Le Festival d’été ne devrait pas être touché.


L’Orchestre du Festival de Lucerne, créé en 2003, n’avait jusqu’ici été confié qu’à ses directeurs musicaux, d’abord Claudio Abbado, son fondateur, puis Riccardo Chailly à partir de 2016, avec deux exceptions en 2014 et 2015 lorsque, après le décès d’Abbado, la transition avait été assurée par Andris Nelsons et Bernard Haitink. Yannick Nézet-Séguin est donc le premier chef à diriger l’Orchestre alors qu’un directeur musical est en place. Le signe d’un changement pour ces prochaines années ? L’avenir le dira. Quoi qu’il en soit, le contact entre le maestro canadien et les musiciens a visiblement bien passé, pour preuve une magnifique Quatrième Symphonie de Chostakovitch. L’œuvre est un test pour n’importe quel orchestre. La formation du Festival de Lucerne a réussi l’épreuve haut la main. Yannick Nézet-Séguin a donné du chef-d’œuvre du compositeur russe une lecture flamboyante et véhémente, toute en puissance, n’hésitant pas à ouvrir les vannes sonores pour laisser couler les quintuples fortissimi de la partition, sans pour autant perdre de vue l’architecture interne. Les murs de la vénérable salle de concert conçue par Jean Nouvel en ont tremblé. Cette symphonie demeure une énigme, et plusieurs spectateurs ont quitté leur siège avant la fin. Une fin qui, après un déferlement de notes et l’extinction très lente du son, a donné lieu à une longue minute de silence avant les applaudissements.


Composée en 1936 puis cachée par Chostakovitch par crainte de la censure, la Quatrième Symphonie a dû attendre 1961 pour être officiellement jouée pour la première fois. Le Concerto pour violon de Beethoven, au programme de la première partie de la soirée, a, lui aussi, mis près de 40 ans pour s’établir au répertoire. Artiste sensible et introverti, allergique à la flamboyance et aux effets de manche, le violoniste Leonidas Kavakos en a donné une exécution simple et pure, très intériorisée, même si parfois un peu maniérée. Il lui a fallu un certain temps pour s’accorder (au sens propre comme au sens figuré, des problèmes d’intonation ayant émaillé le premier mouvement) au chef et aux musiciens, qui, eux, ont privilégié une lecture vive et intense, mais la glace a vite été rompue. Artiste généreux, Leonidas Kavakos a proposé pas moins de quatre cadences écrites par lui.



Claudio Poloni

 

 

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