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Des goûts et des couleurs Bayreuth Festspielhaus 07/26/2019 - et 29 juillet, 3, 7, 11, 14, 18* août 2019 Richard Wagner : Lohengrin Georg Zeppenfeld (Heinrich der Vogler), Klaus Florian Vogt/Piotr Beczala* (Lohengrin), Camilla Nylund/Annette Dasch* (Elsa von Brabant), Tomas Konieczny*/Thomas J. Mayer (Friedrich von Telramund), Elena Pankratova*/Elena Zhidkova (Ortrud), Egils Silins (Der Heerrufer des Königs), Michael Gniffke (1. Edler), Tansel Akzeybek (2. Edler), Marek Reichert (3. Edler), Tim Rihonen (4. Edler)
Chor der Bayreuther Festspiele, Eberhard Friedrich (préparation), Orchester der Bayreuther Festspiele, Christian Thielemann (direction musicale)
Yuval Sharon (mise en scène), Neo Rauch, Rosa Loy (décors et costumes), Reinhard Traub (lumières)
(© Bayreuther Festspiele/Enrico Nawrath)
Le Lohengrin de Bayreuth joue de malchance avec les vedettes du monde lyrique : si, l’année dernière, c’est Roberto Alagna qui avait déclaré forfait juste avant le début des répétitions, cette année c’est Anna Netrebko qui a dû annuler sa participation à la dernière minute, pour cause de fatigue vocale. Mais comme le spectacle a tutoyé les sommets sur le plan musical, personne n’a regretté son absence. Scéniquement par contre, c’est une autre paire de manches : la production imaginée par Yuval Sharon est toujours aussi ridicule. Incompréhensible aussi : les habitants du Brabant sont vêtus de bleu et portent des ailes dans le dos. Lohengrin arrive sans cygne, sous des allures de cosmonaute. Il introduit l’électricité dans le pays, où les femmes sont maltraitées. A son départ, il laisse à Elsa une caisse avec ses outils, au moins le royaume ne sera ainsi pas privé de lumière. Puis un petit bonhomme vert fait son apparition sur scène, déclenchant les fous rires du public. Le programme de salle livre quelques pistes : dans un de ses écrits, Wagner aurait déclaré qu’il avait en tête la couleur bleue en composant Lohengrin. Le costume orange porté par Elsa à l’acte III est un symbole d’insoumission. Et le vert final évoque l’espoir, à moins qu’il signifie énergie propre ! Quoi qu’il en soit, cette production n’entrera pas dans les annales de Bayreuth.
Heureusement, Christian Thielemann offre, dans la fosse, une lecture musicale superbe, laquelle, avec ses tempi alanguis, fait la part belle aux nuances et aux émotions, sans pour autant négliger la flamboyance et la plénitude sonore dans les grands moments. Le plateau vocal est pratiquement inchangé par rapport à l’année dernière. Piotr Beczala est un Lohengrin toujours aussi lumineux, au phrasé et au style élégants. En outre, son allemand s’est considérablement amélioré. Tomas Konieczny est toujours très investi scéniquement en méchant (Telramund), son timbre plutôt métallique convenant bien à la dureté du personnage. Georg Zeppenfeld incarne toujours un roi Heinrich à l’autorité noble et à la belle prestance vocale. L’Ortrud d’Elena Pankratova, diabolique de noirceur et de méchanceté, réussit l’exploit de ne pas faire regretter Waltraud Meier, d’autant que son timbre est particulièrement percutant. Seul bémol : l’Elsa en retrait d’Annette Dasch, qui se retrouve constamment en difficulté dans les aigus ; mais il faut savoir gré à la chanteuse d’avoir sauvé la représentation pratiquement au pied levé. Et comme toujours à Bayreuth, le chœur est tout simplement magnifique.
Claudio Poloni
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