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Avec esprit

Gijon
Teatro Jovellanos
08/20/2019 -  et 30 août 2019 (Wissembourg)
Ludwig van Beethoven: Sonates pour piano n° 17 en ré mineur «La Tempête», opus 31 n° 2, et n° 18 en mi bémol «La Chasse», opus 31 n° 3
Nikita Mndoyants: Intermezzo
Johannes Brahms: Sonate pour piano n° 3 en fa mineur, opus 5

Nikita Mndoyants (piano)




Le festival international de piano de Gijón fête ses vingt ans d’existence cette année. Fondé par le pianiste Julián Martin et le chef d’orchestre Oliver Díaz, il a pour double objectif de renforcer la formation de jeunes pianistes par des classes de maître et de leur laisser l’opportunité de se produire en public en divers lieux de la ville de Gijón et alentour, pas toujours adaptés. Chaque année, un des enseignants se produit dans le principal théâtre de la ville, le théâtre Jovellanos.


Cette année, c’est le tour de Nikita Mndoyants, fil du pianiste Alexander Mndoyants, né en 1989 et ancien enfant prodige. C’est un pianiste russe, formé au Conservatoire de Moscou, notamment par son père, auréolé de prix lors des concours de Cleveland en 2016 et Paderewski en 2007 et finaliste du Van Cliburn de 2013, et désormais professeur d’orchestration à Moscou. Le programme, assez difficile à connaître comme d’habitude aux Asturies, comme si l’affaire était secondaire, est copieux et joué intégralement de mémoire.



N. Mndoyants


Il débute par la Dix-septième Sonate (1802) de Ludwig van Beethoven (1770-1827). On est d’emblée consterné par l’état du Steinway de service; ses sons affreusement métalliques voire d’une justesse douteuse dans les médiums ne favorisent guère l’interprète. La platitude du jeu, ses imprécisions dans le premier mouvement, un abus de pédale, tirant quasiment le piano vers l’orgue, laissent en outre mal augurer de la suite. L’Adagio central montre pourtant qu’il ne faut pas désespérer: l’artiste, à la technique tout de même superlative, sait y faire preuve de délicatesse et d’un authentique sens musical pour libérer de ce piano un chant véritablement touchant même si l’intérêt retombe quelque peu avec l’Allegretto final dont les vagues successives ne nous emportent pas vraiment. Sa prise de distance est louable mais sans doute excessive dans cette page.


Les choses s’améliorent nettement dans la Dix-hutième Sonate qui suit, quasiment dans la foulée. Le pianiste sait construire un discours qui avance et manifeste un esprit beethovénien que sa froideur apparente ne laisse pas soupçonner. Le Scherzo est ainsi une parfaite réussite et le Menuet est émaillé de surprises des plus plaisantes.


Après une pause expédiée, Nikita Mndoyants interprète un Intermezzo de sa main. C’est une œuvre curieuse, de sept minutes environ et qui fait penser tantôt à Scriabine tantôt à la musique répétitive américaine mais surtout à de... la musique balinaise et au gamelan. L’interprète-compositeur (situation pas si fréquente finalement), très concentré sur la partie haute du clavier, joue essentiellement sur les effets de résonance.


Après cette embardée, Nikita Mndoyants achève son programme par la monumentale Troisième Sonate (1853) de Johannes Brahms (1833-1897). Les accords plaqués par la main droite du côté des aigus dans l’Allegro maestoso initial ne sont pas du meilleur effet et le piano reste toujours aussi difficile à dompter. Le mouvement le plus réussi sera quand même, encore une fois, le Scherzo, nonobstant une pédale un peu trop appuyée. C’est bondissant et emporté et il est difficile d’y résister. Le final, orchestral, est grandiose et les doigts de Nikita Mndoyants ne faiblissent à aucun moment.


Le pianiste, toujours impassible, offre alors pas moins de trois bis. Il s’agit tout d’abord de l’arrangement le plus célèbre d’Egon Petri, disciple de Ferruccio Busoni: celui de l’aria «Schafe können sicher weiden» de la Cantate BWV 208 de Johann Sebastian Bach. Nikita Mndoyants ne se départit pas d’un tempo métronomique irréprochable et réalise une prestation de grande classe. Le Presto des Bagatelles opus 126 de Beethoven n’est pas moins bon, nonobstant quelques menues scories: on y retrouve l’esprit beethovénien qui avait tant convenu au pianiste précédemment et on sera ainsi passé sans problème d’une sorte de grandeur aux foucades beethovéniennes démontrant le sens de l’adaptation de Nikita Mndoyants. Enfin, Les sauvages de Jean-Philippe Rameau sont l’occasion d’admirer la transparence et la tenue du jeu de Nikita Mndoyants.


Le public, malheureusement trop peu nombreux, dans lequel on repère les jeunes pianistes formés dans le cadre du festival et quelques russes, ne pouvait que se féliciter d’être venu; Nikita Mndoyants est une découverte prometteuse. Son apparente distance laisse parler les partitions; il ne s’impose pas par de l’effet facile.


Prochain concert du festival, le 22 août au théâtre de l’Université Laboral, malheureusement à la piètre acoustique: Rosa Torres-Pardo. On n’en connaît nullement le programme.


Le site du Festival international de piano de Gijón
Le site de Nikita Mndoyants



Stéphane Guy

 

 

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