About us / Contact

The Classical Music Network

Barcelona

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Un soffio e la sua voce

Barcelona
Peralada (Eglise du Carme)
08/17/2019 -  
Giulio Caccini : Amarilli, mia bella
Alessandro Scarlatti : Sento nel core
Christoph Willibald Gluck : O del mio dolce ardor
Francesco Durante : Danza, danza, fanciulla gentile
Vincenzo Bellini : Per pieta, bell’idol mio – La ricordanza – Ma rendi pur contento
Giuseppe Verdi : Il corsaro: «Non so le tetre immagini» – Macbeth: «Una macchia, è qui tuttora!»
Gaetano Donizetti : Roberto Devereux: «L’amor suo mi fe’ beata»
Gioacchino Rossini : La regata veneziana
Giacomo Puccini : Sole e amore – E l’uccellino – Manon Lescaut: «Sola, perduta, abbandonata»

Sondra Radvanovsky (soprano), Anthony Manoli (piano)


A. Manoli, S. Radvanovsky (© Joan Castro Iconna)


Montserrat Caballé avait été l’invitée des concerts des Etés musicaux de Peralada dès 1983, avant de participer à la fondation du festival en 1987. Elle s’y est produite neuf fois jusqu’en 2011. Un peu moins d’un an après sa disparition, une autre reine du bel canto, Sondra Radvanovsky, donne en l’église du Carme un concert en forme d’hommage à Montserrat Caballé pour conclure la trente-troisième édition du festival. Leur répertoire a beaucoup en commun, de Bellini à Donizetti, Puccini, et Verdi. La soprano américano-canadienne a fait ses débuts en Espagne au Festival de Peralada en 2007, avant de revenir en récital et lors de productions d’opéra dans les jardins du château comme son aînée. Son programme, étrenné à Bordeaux en mars dernier, reprend des éléments typiques du répertoire de Caballé. Pour la trentième édition du festival, Sondra Radvanovsky avait enregistré un clip vidéo où elle déclarait que Peralada était pour elle un «festival d’amor». L’essentiel des mélodies retenues avec son accompagnateur et «coach» vocal Anthony Manoli (sans lien avec l’auteur de ces lignes) tourne d’ailleurs autour de l’amour, excepté les deux extraits d’opéra finaux.


La première partie fait entendre une ribambelle de trilles comme on en a peu entendus, avec des messe di voce utilisées sans compter mais toujours à bon escient, une longueur de souffle qui permet à la soprano de donner aux phrases leur plein sens, ainsi qu’une délicate sensualité, et à l’auditeur de boire du petit lait grâce à des pianissimi de rêve. Elle s’amuse à nous expliquer que certaines mélodies peu célèbres comme celles de Bellini (La ricordanza) et de Puccini sont des versions alternatives d’airs connus («Ah redentemi la speme» d’I puritani) ou des collages de morceaux d’airs fameux. Le concert monte en puissance avec les airs d’Il corsaro et de Roberto Devereux, où l’artiste retrouve des rôles exprimant des affects plus violents et subjugue l’assistance par un art consommé du phrasé belcantiste, tandis que les mélodies permettent de la voir donner corps aux jeunes filles amoureuses ou délaissées grâce à un jeu scénique très diversifié.


Mais, sur la fin, la soirée bascule. Alors que la soprano semble au sommet de ses moyens (à part quelques raclements de gorge discrets et une ou deux notes très légèrement rétives) et donne à l’air final de Manon Lescaut une force phénoménale par la puissance des montées chromatiques, elle s’arrête après quelques phrases de l’air de Lady Macbeth. On se rappelle alors l’insistance avec laquelle elle précisait entre les airs que la chaleur était intense dans l’église. Elle nous avoue avec beaucoup d’émotion qu’on lui a récemment diagnostiqué de l’asthme, et que le souffle lui manque. Elle revient avec un tube de bronchodilatateur, s’excusant d’avoir dû s’arrêter pour la première fois de sa carrière, et reprend l’aria dont la fin, avec le contre- bémol pianissimo chanté de dos alors qu’elle sort par la porte séculaire de la sacristie, est saisissante.


Son premier bis reprend au vol l’émotion des spectateurs, car elle précise que ces difficultés de santé l’ont rendue fort humble, et que comme Adriana Lecouvreur elle se sent l’«umile ancella» de son art, et on ne peut qu’être ébahi de la force que prennent les mots du personnage, «un soffio e la mia voce». Mais loin de s’arrêter là, elle offre en tout pas moins de 45 minutes de bis, entrecoupés d’ovations d’un public debout. Rien moins pour commencer qu’un «Casta diva» sur le fil du rasoir, où l’artiste semble lutter avec son instrument et émeut encore plus un public touché, avant de dédier l’aria, par un geste vers la voûte, à celle qui l’a peut-être écoutée depuis les cieux. Puis elle retrouve une longueur de souffle infinie pour un «Vissi d’arte» somptueux, un air de La Wally qu’elle nous offre en souvenir du concours des nouvelles voix du MET qu’elle avait remporté grâce à lui il y a maintenant vingt-trois ans, et enfin, pour ne pas finir sur une note trop tragique, dit-elle, un Over the rainbow aérien, délicat, comme en apesanteur, qui clôt un concert donnant le sentiment d’avoir vu une artiste d’une grande générosité et à la dévotion artistique rare. Les visages radieux des organisateurs Oriol Aguilá, Isabel Suqué et Adela Rocha Barral expriment la fierté qui est la leur de voir que cette artiste donne tant d’elle-même pour ce festival, qui, lui, annonce qu’elle reviendra l’an prochain pour une Aïda avec Piotr Beczala, Anita Rachvelishvili et Carlos Alvarez, rien moins. De quoi s’attendre encore à des soirées mémorables au festival de Peralada.



Philippe Manoli

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com