Back
Liszt en Provence, en Suisse et en Italie Orange Uchaux (Château Saint Estève) 08/11/2019 - Franz Liszt : Années de pèlerinage (Première Année: Suisse), S. 160: 1. «Chapelle de Guillaume Tell», 2. «Au lac de Wallenstadt», 6. «Vallée d’Obermann» & 9. «Les Cloches de Genève» – Années de pèlerinage (Deuxième Année: Italie), S. 161: 2. «Il penseroso», 3. «Canzonetta del Salvator Rosa» & 5. «Sonetto CIV del Petrarca», et S. 162: «Venezia e Napoli» – Années de pèlerinage (Troisième Année: Italie), S. 163: 3. «Aux cyprès de la villa d’Este II» et 4. «Les Jeux d’eaux à la villa d’Este» Suzana Bartal (piano)
Un festival provençal essentiellement consacré au piano et qui, au fil du temps, a invité Philippe Bianconi, Idil Biret, Jean-Philippe Collard, François-René Duchâble, François-Frédéric Guy, Marc-André Hamelin, Stephen Hough, Michaël Levinas, Roger Muraro, Kun Woo Paik, Alexandre Tharaud, Cédric Tiberghien, Daniil Trifonov et tant d’autres? La Roque-d’Anthéron, bien sûr! Eh bien non, un peu plus au nord, à une petite dizaine de kilomètres d’Orange, c’est du Festival romantique «Liszt en Provence» qu’il est question: depuis 1998, Thérèse Français fait vivre au château Saint Estève, entouré d’un domaine viticole de 40 hectares, une manifestation attachante, sur une terrasse devant la façade (sur laquelle est projeté le portrait du compositeur par Henri Lehmann) si le temps le permet ou dans un petit auditorium attenant – loin de n’être qu’un pis-aller – si nécessaire. La vingt-deuxième édition continue d’offrir de belles affiches – tel Alexandre Kantorow, qui vient de remporter le concours Tchaïkovski – démontrant que la priorité demeure la mise en valeur d’artistes en début de carrière ou encore trop peu connus.
S. Bartal (© Jean-Baptiste Millot)
Ainsi de Suzana Bartal (née en 1986), qui se coule sans peine dans le concept même du festival, avec un programme entièrement lisztien, présentant une généreuse sélection (douze pièces) des trois Années de pèlerinage (1848-1877), en avant-première, en quelque sorte, de son enregistrement, réalisé au printemps dernier au prieuré de Chirens et à paraître en mars prochain chez Naïve.
En première partie, il faut compter avec les aléas du plein air, ces sons qui «tournent dans l’air du soir», car l’impact physique manque à certaines pièces mais pas à d’autres – ce n’est donc pas que la pianiste française manque de puissance ou n’a pas pris la mesure du site et du Fazioli. Difficile, avec ces quelques pertes frustrantes de nuances et de timbres, d’apprécier et d’évaluer correctement tous les aspects son jeu et son interprétation. Cela dit, ce n’est que le revers relativement mineur d’une belle médaille, car le lieu en vaut la peine: quoi de plus «romantique» – puisque le festival revendique ce qualificatif – que d’entendre le bruit du vent dans les arbres en même temps que «Aux cyprès de la villa d’Este»? Et puis on n’en perçoit pas moins un «Lac de Wallenstadt» et un «Penseroso» cursifs, une solide «Chapelle de Guillaume Tell», de sobres «Cloches de Genève» et «Vallée d’Obermann», une «Canzonetta del Salvator Rosa» assez carrée et un «Sonnet CIV de Pétrarque» très contrôlé.
Non moins curieusement, en seconde partie, le son paraît nettement meilleur – mystère de l’instant. C’est aussi, avec la Troisième Année, le Liszt moins flamboyant et extraverti des dernières années. En tout cas, les deux pièces de la villa d’Este (cyprès et jeux d’eaux) ressortent bien et quand il s’agit d’en venir à «Venezia e Napoli», l’engagement est total, et la Tarentelle conclusive ne manque pas de bravoure.
Avec une remarquable égalité d’humeur, Suzana Bartal remercie le public de son accueil en choisissant l’Adagio sostenuto qui ouvre la Quatorzième Sonate (1801) de Beethoven vient: retour à la Suisse, en quelque sorte, puisque le poète Rellstab voyait dans cette page l’évocation d’une «barque au clair de lune sur le lac des Quatre-Cantons», conférant ainsi à cette sonate le sous-titre qui n’allait pas peu contribuer à son succès.
Le site du Festival romantique «Liszt en Provence»
Le site de Suzana Bartal
Simon Corley
|