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Homérique Nîmes Bréau-Mars (Temple de Bréau) 08/09/2019 - Johann Sebastian Bach : Suite pour violoncelle seul n° 6, BWV 1012
Benjamin Britten : Suite pour violoncelle seul n° 1, opus 72
Alberto Ginastera : Punena n° 2 «Hommage à Paul Sacher», opus 45 Xavier Phillips (violoncelle)
X. Phillips
Quand le Festival du Vigan ne s’installe pas à l’auditorium de la ville, il permet, comme beaucoup d’autres manifestations estivales, de découvrir le patrimoine religieux des environs. Et même si le temple de Bréau ne présente pas de charme particulier, il ne fait guère de doute que, nonobstant la chaleur étouffante qui y régnait, c’était, par son dépouillement et sa simplicité, le lieu idéal pour un récital de violoncelle seul, commençant qui plus est par une suite de Bach.
Sur sa petite estrade, devant la plus modeste croix qui soit au monde, Xavier Phillips rend pleinement justice à la profondeur et au caractère imposant, presque monumental, de la Sixième Suite (1720), mais si le discours respire amplement, c’est sans alanguissements ni chichis, et dans le souci permanent de varier les attaques et les couleurs. Avec éloquence et lyrisme, il confère beaucoup de caractère aux danses successives – Courante haletante, Gavottes bien rythmées, Gigue robuste. Rien de désincarné, bien au contraire, dans ce violoncelle dont l’engagement constant, à bras-le-corps, ne dérape cependant jamais dans l’excès ou la facilité.
Le cadre favorise comme rarement la proximité du public avec l’interprète. Et comme celui-ci est un orateur à la fois pédagogue, vivant et drôle, il prend la peine de présenter longuement chacune des œuvres. Dans la Première Suite (1964) de Britten, au-delà d’acrobaties spectaculaires pour lesquelles il y aurait matière à s’extasier, comme un Moto perpetuo complètement halluciné, le plus difficile est peut-être de donner vie à la ligne monodique du Lamento, ce à quoi Xavier Phillips parvient avec une expression poignante.
La Seconde Punena (1976) de Ginastera, l’un des douze compositeurs (avec Beck, Berio, Boulez, Dutilleux, Fortner, Halffter, Henze, Holliger, Huber, Lutoslawski... et Britten) à avoir contribué à un hommage à Paul Sacher pour ses 70 ans, constitue, en temps normal, un redoutable défi. Dans ces conditions climatiques «homériques», ainsi que Xavier Phillips les qualifie lui-même, la difficulté est évidemment redoublée. La démonstration n’en est que plus époustouflante, l’énergie brute de la seconde partie («Wayno Karnavalito») balayant tout sur son passage. Appliquant le principe selon lequel la musique, comme le degré des alcools au cours d’une soirée, doit continuer à progresser en intensité, il offre à un public conquis (et debout) un supplément de choix, autre Himalaya du répertoire: l’Allegro molto vivace final de la Sonate pour violoncelle seul (1915) de Kodály.
Simon Corley
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