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Perles cévenoles

Nîmes
Saint-Bonnet-de-Salendrinque (Château du Castellas)
08/08/2019 -  et 1er août 2019 (Saint-Ybard)
Guillaume Lekeu : Molto adagio, V. 52
Ludwig van Beethoven : Quatuor n° 7, opus 59 n° 1
Franz Schubert : Quatuor n° 14 «Der Tod und das Mädchen», D. 810

Quatuor Girard: Hugues Girard, Agathe Girard (violon), Odon Girard (alto), Lucie Girard (violoncelle)




Certains festivals sont comme des secrets bien gardés: hormis l’intérêt de ceux qui le connaissent de ne pas ébruiter cette découverte afin d’en conserver pour eux seuls la jouissance, on peine à comprendre pourquoi, par exemple, le Festival du Vigan reste aussi discret. Car il a acquis une ancienneté plus que respectable, il bénéficie d’une sorte de monopole dans ces magnifiques Cévennes beaucoup moins riches en manifestations musicales que la côte méditerranéenne ou la vallée du Rhône voisines, il se déroule dans les lieux attachants voire exceptionnels et il offre une programmation qui ne pâlit pas devant les plus grands. Qu’on en juge par l’affiche de la quarante-quatrième édition, qui inclut notamment Maurizio Baglini, Jean-Louis Capezzali, Geoffroy Couteau, Richard Galliano, Xavier Phillips, Michel Piquemal, le Trio Atanassov et le Quatuor Girard. Et les arts plastiques se joignent à la musique avec, pendant toute la durée du festival, une exposition des peintres Dominique Mongeois et Touïs, du sculpteur Willy Panezi et de la céramiste Marie-Claude Mongeois.



H. Girard, A. Girard, O. Girard, L. Girard (© Jean-Baptiste Millot)


Assez loin de ses bases, à une vingtaine de kilomètres à l’est de la sous-préfecture gardoise (à vol d’oiseau – le double par la route), le festival ne manque jamais de faire étape au Château du Castellas (XIIe/XVIIe). On le comprend aisément en découvrant le site et la belle bâtisse patiemment restaurée depuis maintenant près d’un demi-siècle et, pour mieux en profiter, le public a la possibilité de s’inscrire pour un généreux buffet froid à déguster sur des tablées à l’ombre des pins.


C’est une soirée idéale pour le concert en plein air, dans la petite cour d’honneur du château, donné par les quatre frères et sœurs du Quatuor Girard, même si la première page de ce programme fleuve, donné quasiment sans pause et présenté au public par la violoncelliste, Lucie Girard, contraste quelque peu avec cette atmosphère idyllique. Lekeu a en effet porté en épigraphe à son Molto adagio (1887) ces quelques mots tirés de l’Evangile de Matthieu (et des Harmonies poétiques et religieuses de Lamartine): «Mon âme est triste jusqu’à la mort». Préférant l’exigence de la noblesse à la facilité du pathos, les musiciens n’en ménagent pas moins de belles progressions dans l’expression, malgré une acoustique certes tout à fait convenable pour le plein air mais d’une sécheresse peu flatteuse, qui ne facilite pas la fusion des instruments.


Lekeu vouait une profonde admiration à Beethoven: on imagine que c’était notamment le cas de son Septième Quatuor (1806), qui, par ses proportions comme par son langage, révolutionna le genre. Le Quatuor Girard, dont les qualités ont été maintes fois saluées dans ces colonnes, laisse quelque peu perplexe, comme s’il était passé à côté de l’œuvre. On attendait davantage que cette lecture assez vive, franche et carrée, comme si, au fond, l’énergie, la puissance et la fougue visaient à tenter de dissimuler une conception hésitante, hormis certaines options au demeurant quelque peu déroutantes, et même quelques difficultés instrumentales. Nul doute que son approche gagnera en assurance et mûrira dans les mois à venir.


Le doute est d’autant moins permis que dans l’autre immense partition à laquelle le Quatuor Girard a choisi de se confronter, la réussite est totale. Après le jeune homme et la mort – Lekeu, disparu à l’âge de 24 ans –, c’est en effet le Quatuor n° 14 «La Jeune Fille et la Mort» de Schubert. Cette fois-ci, le Quatuor Girard sait où il va, et il sait aussi comment y emmener l’auditeur avec lui: la direction est fermement tenue, ce qui n’empêche pas que tout s’enchaîne avec un naturel parfait, et même la sonorité d’ensemble paraît nettement meilleure. Après un Allegro animé par une éloquence et une urgence formidables, le célèbre mouvement à variations offre un parcours expressif tout à fait impressionnant. Glaçant, tranchant comme une lame, le Scherzo est mené à un train d’enfer, comme le Presto final, d’une violence telle qu’on se demande comment aucune corde n’a finalement cassé.


Ne reculant devant aucun défi, le Quatuor Girard trouve encore les ressources pour offrir, dans une même tension dramatique, le Douzième Quatuor (1820) de Schubert, (premier) mouvement isolé d’un quatuor resté inachevé.


Le site du Festival du Vigan
Le site du Quatuor Girard



Simon Corley

 

 

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