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Cecilia Bartoli envoûte Salzbourg

Salzburg
Haus für Mozart
08/08/2019 -  et 10*, 13, 16, 18 août 2019
Georg Friedrich Händel : Alcina, HWV 34
Cecilia Bartoli (Alcina), Philippe Jaroussky (Ruggiero), Sandrine Piau (Morgana), Kristina Hammarström (Bradamante), Christoph Strehl (Oronte), Alastair Miles (Melisso), Sheen Park*/Moritz Gemel (Oberto)
Bachchor Salzburg, Markus Obereder (préparation), Les Musiciens du Prince-Monaco, Gianluca Capuano (direction musicale)
Damiano Michieletto (mise en scène), Paolo Fantin (décors), Agostino Cavalca (costumes), Alessandro Carletti (lumières), rocafilm (vidéo), Thomas Wilhelm (chorégraphie), Christian Arseni (dramaturgie)


(© SF/Matthias Horn)


La production d’Alcina présentée cet été à Salzbourg est une reprise du Festival de Pentecôte, dont Cecilia Bartoli est directrice artistique. La célèbre chanteuse incarne avec le brio qu’on lui connaît la magicienne qui envoûte non seulement tous les hommes qui ont le malheur de croiser son chemin mais aussi le public de Salzbourg, engrangeant un nouveau triomphe dans la cité de Mozart. Elle avait déjà interprété l’ensorceleuse à deux reprises à Zurich, d’abord en janvier 2014 puis en janvier 2017, dans une production lumineuse qui avait fait sensation. Le metteur en scène, Christof Loy, avait transposé l’action dans un théâtre, entre représentation et coulisses, en apportant un soin presque maniaque à la direction d’acteurs. A Salzbourg, Damiano Michieletto s’est moins intéressé à la caractérisation des personnages pour se concentrer davantage sur les ambiances et les atmosphères, mélancoliques et sombres pour la plupart. Le spectacle se déroule dans la grande salle à manger aux lumières tamisées d’un hôtel dont Alcina est la directrice. Oronte est un majordome, alors que Bradamante et Melisso arrivent une valise à la main. Derrière un immense miroir installé sur une tournette, qui sert aussi à des projections vidéo très suggestives, apparaissent successivement des hommes à moitié dévêtus, jeunes et vieux, des troncs d’arbres et des rochers, soit le monde secret d’Alcina. Quand celle-ci se contemple, elle aperçoit le reflet d’une femme beaucoup plus âgée ; la peur de vieillir fait partie de ses obsessions. Le miroir est ici le symbole de ses pouvoirs. Lorsque, à la fin de l’ouvrage, il est brisé, Alcina se retrouve vieillie et enlaidie, avant de se jeter à terre pour mourir.


Si, en fin de compte, la mise en scène est plutôt sage, la partie musicale et vocale du spectacle se révèle, quant à elle, magistrale. Dans le rôle-titre, Cecilia Bartoli est tout simplement bouleversante. Incarnant une femme mûre qui cherche coûte que coûte à effacer les marques du temps, elle est à son meilleur dans les lamenti, où ses pianissimi ahurissants trahissent toute la mélancolie et la détresse du personnage. La chanteuse pourrait jouer la diva et ne s’entourer que de faire-valoir. Au contraire, elle a l'art de toujours réunir autour d'elle des chanteurs de tout premier plan qui contribuent, eux aussi, à la réussite du spectacle. A commencer par l’extraordinaire Morgana de Sandrine Piau, l’exacte opposé de sa sœur Alcina, tant elle est sexy, sensuelle et délurée. L’interprète dévoile avec maestria un registre comique qu’on ne lui connaissait guère jusqu’ici. Vocalement, elle est parfaitement à l’aise avec les vocalises de la partition et se permet de nombreuses variations. En Ruggiero, Philippe Jaroussky ne laisse rien à désirer, avec sa voix pure et éthérée et ses extrêmes aigus étincelants. Kristina Hammarström est très investie scéniquement en Bradamante, mais vocalement le rôle lui pose quelques problèmes, notamment dans les vocalises. Il en va de même pour Alastair Miles en Melisso, mais la noblesse qu’il confère à son personnage fait oublier les aigus parfois tendus. L’Oronte de Christoph Strehl est nettement en retrait. Pour une fois, le personnage d’Oberto n’a pas été supprimé. Il est chanté ici par un très jeune artiste, Sheen Park, qui fait sensation par son aplomb. A la tête des Musiciens du Prince-Monaco, Gianluca Capuano livre une direction légère et affûtée, dynamique et particulièrement contrastée, avec une variété de couleurs et de nombreuses ruptures de rythme, une lecture qui accentue le drame. Aux saluts, le public a réservé des applaudissements enthousiastes à tous les interprètes de cette superbe production.


Cecilia Bartoli continuera de diriger le Festival de Pentecôte de Salzbourg jusqu’en 2026. Elle a déjà dévoilé le programme de l’édition 2020, au cours de laquelle elle chantera sa toute première Norina de Don Pasquale de Donizetti, toujours sous la direction de Gianluca Capuano et dans la mise de mise en scène de Moshe Leiser/Patrice Caurier. Selon une tradition désormais bien établie, le spectacle sera repris en été, dans le cadre du centième anniversaire du Festival de Salzbourg, qui devrait être fêté en grande pompe.



Claudio Poloni

 

 

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