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Défi schubertien Brive Voutezac (Château du Saillant) 08/06/2019 - Franz Schubert : Sonates pour piano n° 22, D. 959, et n° 23, D. 960 Till Fellner (piano)
Si l’Orchestre de chambre Nouvelle-Aquitaine et le hip-hop ont fait cette année leur entrée au Festival de la Vézère, les fondamentaux demeurent pour cette trente-neuvième édition, du 9 juillet au 22 août: artistes confirmés (Pascal Amoyel, Philippe Bernold, l’ensemble La Chimera), jeunes talents (Thibaut Garcia, Thomas Leleu, Julia Lezhneva, Marie-Ange Nguci, le Quatuor Girard) et la compagnie britannique Diva Opera, le tout dans le cadre du patrimoine corrézien, à commencer par le château du Saillant et son décor enchanteur.
T. Fellner (© Christophe Grémiot)
C’est dans l’ancienne grange aménagée que se produit ainsi Till Fellner, fidèle des lieux – même si sa précédente visite remontait à 2007, ce n’en est pas moins la quatrième depuis 1997. Il a choisi de consacrer son récital à l’un de ses compositeurs d’élection, Schubert, mais son programme – rien moins que les deux dernières sonates (1828) – n’en demeure pas moins toujours un défi pour l’interprète... comme pour le public.
Du pianiste autrichien restait le souvenir d’un artiste irréprochable mais désespérément dépourvu d’aspérités. Rien de tel ce soir: la frappe est volontiers sèche et violente, voire dure et agressive dans l’aigu, le staccato mordant et bien marqué, les contrastes fortement soulignés. Le lyrisme le cède à l’expression, même dans les mouvements lents, et la séduction le cède à l’objectivité. Dans la Sonate en la, il faut ainsi attendre l’énoncé du thème du finale pour trouver la rondeur et la Gemütlichkeit qu’on associe d’ordinaire à Schubert.
Pour autant, Fellner n’accentue pas la portée visionnaire, les abîmes ou même simplement les dimensions de ces œuvres – il ne joue pas les longues reprises dans le premier mouvement: ce n’est pas du tout ici un compositeur qui aurait conscience qu’il écrit ses ultima verba dans le genre de la sonate, mais bien davantage celui qui est prêt à assurer sa part d’héritage beethovénien, avec cette manière presque sévère, qui se refuse souvent au charme et à la souplesse, même dans les scherzi. Il y a en même temps une clarté, une netteté, une lisibilité des détails qui n’est pas sans évoquer de façon assez inattendue Scarlatti, même jusqu’à une raideur presque mécanique dans l’Allegro ma non troppo conclusif de la Sonate en si bémol.
On se demande parfois où est passé le poète – ainsi de cette coda du finale de la Sonate en la majeur, plus pensive que rêveuse – mais ces partis pris parfois plus captivants que convaincants ne font toutefois perdre ni le fil du discours ni le sens de la construction, et n’empêchent pas de somptueux moments, comme l’Andante sostenuo de la Sonate en si bémol, fascinant de toucher et de sonorité.
Till Fellner remercie le public avec «Au lac de Wallenstadt», tiré de la Première Année. Suisse (1848/1855) des Années de pèlerinage de Liszt, pianistiquement superbe, dans une atmosphère miraculeusement suspendue et... plus vraie que nature, avec la cloche de la chapelle (celle dont Chagall a réalisé les vitraux) qui sonne 10 heures à deux reprises.
Le site du Festival de la Vézère
Le site de Till Fellner
Simon Corley
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