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Munich 1 - Vienne 0 Salzburg Grosses Festspielhaus 08/04/2019 - Jean Sibelius: Symphonie n° 1, opus 39
Serge Prokofiev: Concerto pour violon n° 2, opus 63
Richard Strauss: Der Rosenkavalier, opus 59: Suite Gil Shaham (violon)
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Yannick Nézet-Séguin (direction)
Souffrants, Marris Jansons et Lisa Batiashvili ont été tous deux remplacés pour deux soirées par rien moins que Yannick Nézet-Séguin et Gil Shaham. Il faut peut-être voir un signe qu’une génération est en train de passer le flambeau, à Salzbourg comme ailleurs. Mariss Jansons a passé les 75 ans. Parmi ses aînés, Herbert Blomstedt est toujours présent cet été à Salzbourg pour diriger les Wiener Phiharmoniker dans la Neuvième Symphonie de Gustav Mahler tandis que Bernard Haitink clôturera cette édition du festival avant, semble-t-il, de prendre une retraite annoncée après une ultime soirée à Lucerne... les souvenirs que nous ont donnés ces musiciens extraordinaires sont des réalités. Yannick Nézet-Séguin n’est « que dans sa quarantaine » mais sa carrière est déjà immense. Son talent n’a rien n’a envier à celui de ses aînés et c’est un réel plaisir que de pouvoir l’entendre dans de telles conditions.
Y. Nézet-Séguin (© Marco Borrelli)
Que ce soit à Salzbourg ou dans le monde musical germanique, Jean Sibelius reste un compositeur majeur finalement peu joué et dont la musique, plus abstraite que postromantique, n’est pas toujours bien comprise. C’est un peu ce que l’on ressent dans cette exécution de sa Première Symphonie. Malgré un niveau d’excellence instrumental évident : richesse des cordes, profondeur des sonorités, mise en place de très grand niveau notamment dans un Scherzo pris à un tempo assez vif, ... et une recherche de phrasés et de lignes musicales d’une grande amplitude, la lecture que donnent Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise est trop volontairement dramatique. Le chef canadien cherche à insuffler une énergie constante. Si on évoque souvent l’influence d’un Tchaïkovski dans cette œuvre, la réalité est plus complexe. Il faut laisser parler par eux-mêmes et respirer de nombreux passages qui anticipent ce que vont être les dernières symphonies du compositeur finlandais.
Changement profond de couleur et de style dans cette seconde partie qui commence avec le Second Concerto pour violon de Prokofiev. Les couleurs si fortes du Sibelius font place à des teintes pastels plus subtiles. La maîtrise du style de Gil Shaham dans ce concerto fait merveille. Il faut souligner, au-delà de ses moyens techniques, l’élégance suprême du violoniste américain qui fait ressortir la « malice » et l’espièglerie de cette œuvre. Les tempi respirent sans brusquerie. Yannick Nézet-Séguin nous rappelle ses qualités d’accompagnateur en apportant beaucoup d’attention aux rubatos et en respectant la subtilité de la dynamique de son soliste. Le dernier mouvement, Allegro, ben marcato, pris à un tempo vif est lui plein de vie et de charme. Très applaudi par un public silencieux et appréciatif, Gil Shaham fait se lever Radoslaw Szulc, konzertmeister de l’orchestre, pour donner en bis l’Andante cantabile de la Sonate pour deux violons de Prokofiev.
Il ne faut avoir aucun doute. Ce n’est pas le hasard qui a fait que ces musiciens munichois ont choisir de clore ce concert avec la Suite du Chevalier à la rose. Munich et Vienne se disputent amicalement, mais fermement, la palme de la ville ayant la meilleure tradition straussienne. Le temps n’est pas si reculé où Herbert von Karajan dirigeait ce Chevalier à Salzbourg tandis que Carlos Kleiber faisait de même à environ 2 heures de train pour le plus grand plaisir des mélomanes qui dissertaient à n’en plus finir sur les mérites respectifs des deux approches.
La lecture que donnent les musiciens est pleine de de fougue. Nézet-Séguin s’empare de cette musique avec panache et une joie communicative. Dans cette musique très orchestrée, les tutti flamboyants sont pleins de vie et de couleurs sans la moindre lourdeur. Nézet-Séguin sait caractériser les personnages de cet opéra, révéler des détails d’orchestration souvent fondus lorsque l’orchestre est dans la fosse. Il sait également trouver le rubato pour retenir les notes de ces nombreuses valses tour à tour virevoltantes ou sentimentales. Lui et ses musiciens font surtout partager leur passion pour cette musique si riche et si vivante.
Donnée en bis, la Valse triste de Sibelius vient à peine entamer l’énergie et l’ivresse qui ressortent de cette Suite et qui font que musiciens et public ressortent de cette superbe matinée sourire aux lèvres.
Le site du Festival de Salzbourg
Le concert en streaming sur le site de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise
Antoine Lévy-Leboyer
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